Gévrise Emane : du judo de haut niveau au mentorat des champions

Une carrière sportive exceptionnelle

Gévrise Emane, née à Yaoundé en 1982, s’est imposée parmi les plus grandes figures du judo féminin mondial. Formée à l’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance (INSEP), elle a conquis trois titres mondiaux en 2007 à Rio, 2011 à Paris et 2015 à Astana, ainsi que cinq championnats d’Europe entre 2006 et 2016. Son palmarès est complété par une médaille olympique à Londres en 2012, gage de sa constance et de son excellence sur plusieurs olympiades et catégories de poids.

Sa carrière sportive est jalonnée de performances remarquables qui font d’elle une référence mondiale du judo. Au-delà des médailles, elle incarne la persévérance et l’exigence, ayant su rebondir après des échecs pour mieux se reconstruire.

De l’échec olympique à la résilience

Pour Gévrise Emane, un tournant majeur de sa carrière a été sa première participation aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008. Malgré un parcours exceptionnel jusqu’alors – championne du monde, numéro un mondiale, double championne d’Europe –, elle fut éliminée dès le premier tour. Cette défaite fut un choc et le point de départ d’une profonde remise en question.

« J’ai dû accepter mes limites et réfléchir à qui j’étais en dehors du sport », confie-t-elle. Cette période difficile l’a aidée à comprendre l’importance de la résilience, non seulement sur le plan sportif, mais également personnel. Au fil du temps, elle a appris que les médailles ne définissent pas l’identité d’un athlète et que l’échec est une source de force et d’apprentissage.

L’importance des études et de la reconversion

Engagée dès ses débuts à l’INSEP à suivre une licence de droit, Gévrise Emane a toujours porté une attention particulière à sa formation en parallèle de sa carrière sportive. Consciente des contraintes financières du judo comparées à d’autres sports, elle souhaitait dès le départ envisager un plan B pour l’après-sport.

Dans son rôle actuel à l’INSEP, elle aide les athlètes à identifier leurs projets de vie et à concilier au mieux l’exigence sportive avec une formation ou une activité professionnelle. L’idée est d’accompagner la construction d’une identité au-delà du tatami, en valorisant les compétences développées grâce au sport.

Le mentorat qu’elle pratique aujourd’hui s’appuie sur cette expérience, permettant aux jeunes champions de prendre du recul et de se projeter sereinement dans leur avenir.

Dispositifs d’accompagnement et insertion professionnelle

Le monde sportif en France a progressivement renforcé ses dispositifs d’accompagnement pour la reconversion. Parmi les avancées majeures, la loi de 2012 a instauré un droit à la retraite pour les sportifs de haut niveau, complété en 2023, tandis que la loi de 2015 a créé les responsables du suivi socioprofessionnel (RSSP) au sein des fédérations pour guider les athlètes dans leurs démarches.

L’INSEP, en collaboration avec le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) et l’Agence Nationale du Sport, propose un programme global, incluant diététique et bien-être mental, pour accompagner la transition vers une vie post-entrainement plus apaisée.

En entreprise, les athlètes disposent de compétences recherchées comme la gestion des objectifs, le travail en équipe et la gestion du stress. Des contrats spécifiques tels que les CIP (contrats d’insertion vers l’emploi) ou CAE (contrat d’aménagement à l’emploi) facilitent leur intégration professionnelle tout en assurant leur protection sociale.

Leadership dans le judo français et européen

Vice-présidente de la Fédération Française de Judo, Gévrise Emane joue un rôle clé dans le développement national de sa discipline. Elle accompagne les clubs et territoires tout en valorisant l’expertise française à l’international. Au niveau européen, en tant que membre du board de l’Union Européenne de Judo, elle contribue à définir des stratégies pour promouvoir les valeurs véhiculées par le judo.

Pour elle, le judo est bien plus qu’un sport : c’est une école de la vie fondée sur l’entraide et la prospérité mutuelle, un principe selon lequel la progression individuelle se fait dans une dynamique collective et solidaire.

« Si j’ai pu réussir sur les tatamis, c’est grâce à tous ceux qui m’ont soutenue et challengée », précise-t-elle, soulignant l’importance du collectif dans un sport souvent perçu comme individuel.

Engagement humanitaire et soutien aux familles

Au-delà du sport, Gévrise Emane est marraine engagée de l’association Les Enfants du Jardin qui soutient les familles d’enfants atteints de maladies génétiques rares, notamment la leucinose dont souffre son petit frère. Cette maladie complexe impose un régime alimentaire très strict, source de difficulté pour les enfants concernés.

Grâce à son soutien, elle aide à briser l’isolement des familles en organisant des rencontres et en offrant aux enfants la possibilité de participer à des événements sportifs, notamment aux Jeux Olympiques, afin de favoriser leur inclusion sociale et culturelle.

Un sport vecteur d’inclusion et d’autonomisation des femmes

Fervente défenseure de la pratique féminine, Gévrise Emane constate une progression significative, avec près de 68 % des femmes déclarant pratiquer une activité sportive. Elle insiste sur l’importance d’ouvrir les portes des clubs et infrastructures aux jeunes filles et de valoriser le sport féminin pour encourager cette dynamique.

Elle voit dans le sport un outil puissant d’émancipation sociale et d’épanouissement, invitant à poursuivre les efforts pour renforcer cette tendance positive en France.