Ukraine-France : le rôle du football dans la médiatisation de la guerre
Le prochain affrontement entre l’Ukraine et la France ne se résume pas à une simple rencontre sportive. Alors que les Bleus préparent leur qualification pour la Coupe du Monde, l’enjeu dépasse largement le ballon rond: le football ukrainien est devenu une tribune pour faire entendre, à travers chaque déplacement et chaque passe, la voix d’un pays en temps de guerre. La rencontre, qui se joue à Wroclaw en Pologne, est ainsi aussi un miroir des conséquences humaines de l’invasion russe déclenchée en février 2022.

Dans le monde du sport, et particulièrement dans le football, ce qui n’est pas le match du jour est souvent laissé de côté. Pourtant, la guerre a des répercussions directes sur les performances de l’équipe nationale et sur le récit médiatique entourant le rendez-vous. À la veille du match, le sélectionneur Sergui Rebrov rappelle l’enjeu moral de représenter la nation: « les joueurs sont les porte-drapeaux de l’Ukraine. Pour certains, c’est lourd, leur famille est encore en Ukraine », confie-t-il.
Des ambassadeurs sur le terrain et en dehors
Pour Rebrov, chaque adversaire rencontré est une occasion de porter la voix de l’Ukraine au-delà des frontières sportives. « Il faut en parler », affirme-t-il, ajoutant que le soutien international est indispensable, fussent-ils lassants pour certains. Les joueurs, qu’ils disputent leur carrière dans des clubs européens ou qu’ils défendent les couleurs nationales, deviennent des ambassadeurs du pays, adeptes à la fois du jeu et de la médiatisation de la guerre. Andrew Todos, journaliste spécialiste du football ukrainien, rappelle que les athlètes présents sous les maillots ukrainiens doivent désormais maîtriser plusieurs langues et devenir plus habiles dans leur communication publique.
Plus que jamais, le message porte sur l’unité européenne et l’aspiration à une fin du conflit. Pour les joueurs évoluant à l’étranger dans les grands championnats, ce rôle prend une dimension encore plus forte, et chacun contribue, à son niveau, à sensibiliser et mobiliser autour de la cause ukrainienne.
Une voix qui porte loin: Zinchenko et les autres figures de proue
Parmi eux, Oleksandr Zinchenko est sans conteste l’un des relais les plus visibles. Après l’invasion russe du 24 février 2022, l’international ukrainien a livré une interview émouvante à la BBC, affirmant sa détermination à dire la vérité sur ce qui se passe en Ukraine. Connu pour son activité sur les réseaux sociaux — son audience a évolué de 1,5 million à plus de 2,4 millions de followers —, il souligne son devoir de porte-parole du pays, sur et en dehors des terrains.

Dans cette même ligne de soutien, Andrey Shevchenko, Ballon d’Or 2004 et président de la Fédération ukrainienne de football, s’implique activement avec United24, la plateforme officielle de levées de fonds liée au gouvernement. Elle a déjà collecté plus de 1,8 milliard de dollars à la date du 1er août 2025. Par ailleurs, en janvier dernier, Shevchenko a tenté — sans succès — de rejoindre le comité exécutif de l’UEFA, évoquant des signaux clairs qui, selon lui, montraient que ni l’Ukraine ni lui-même n’étaient les bienvenus à la tête de l’instance européenne. « Ces derniers jours, … il n’y a ni les conditions ni le contexte », a-t-il regretté dans un communiqué.
Le soft power ukrainien à travers le football
La communauté du football ukrainien est touchée par le conflit à des degrés divers: Plus de 200 membres de cette communauté auraient perdu la vie selon les estimations avancées par des proches du milieu. Certains joueurs, comme Zinchenko, se disent prêts à prendre les armes si nécessaire, tandis que d’autres, évoluant à l’étranger, mettent leurs réseaux et leurs ressources au service de leur pays, notamment en participant à des collectes pour l’achat de matériel militaire. Andrew Todos rappelle que, dans l’Ukraine actuelle, le football offre aussi un peu de répit et agit comme facteur d’unité, malgré le déclin du football national.
Depuis 2022, les performances de l’équipe nationale n’ont pas retrouvé leur meilleur niveau. L’Euro 2024 a été une véritable désillusion: l’Ukraine n’a pas franchi la phase de groupes, dominée par la Belgique, la Roumanie et la Slovaquie. Du côté des clubs, le Shakhtar Donetsk et le Dynamo Kyiv ont perdu du terrain dans les compétitions européennes. Pour la première fois en deux décennies, aucun club ukrainien ne participe à la Ligue des champions.
Quelles perspectives pour le Mondial et la médiatisation future ?
Malgré ces difficultés, l’équipe ukrainienne demeure une source d’espoir pour les objectifs médiatiques et sportifs. Didier Deschamps a évoqué le match contre l’Ukraine comme le « début du parcours le plus difficile » du calendrier, et Rebrov peut compter sur Illia Zabarnyi, défenseur du Paris Saint-Germain, tandis que d’autres joueurs, comme Andriy Lunin (Real Madrid) et Vitaliy Mykolenko ( blessé), manqueront à l’appel. Si la France est en tête, l’Ukraine espère se qualifier pour les barrages, une voie qui pourrait mener au Mondial, idéal pour mettre en lumière la situation et renforcer la médiatisation de la cause ukrainienne sur la scène internationale.
Dans ce contexte, le football ukrainien continue d’agir comme une plateforme où les performances sportives coexistent avec des gestes solidaires et des signaux politiques. Le sport devient alors un vecteur de solidarité et de visibilité, offrant une scène où l’espoir et la détermination d’un pays en guerre peuvent s’exprimer au-delà des terrains, et où les joueurs — en tant que représentants et témoins — portent la voix de leur nation sur la scène mondiale.









