Pourquoi un Tour de France femmes de trois semaines n’est pas pour tout de suite
Depuis sa première édition en 2022, le Tour de France féminin a connu une évolution progressive, passant de huit à neuf jours de course. Les organisateurs répètent régulièrement qu’ils souhaitent avancer étape par étape, sans précipitation, afin d’assurer la pérennité de cette compétition. La question revient chaque année, notamment lors de la présentation du tracé en octobre ou à l’approche de la course, sur la durée de l’épreuve. Pourquoi le Tour de France féminin reste-t-il limité à une semaine, alors que le Tour masculin s’étend sur 21 étapes et trois semaines complètes ?
Une évolution prudente, guidée par la fragilité du modèle
Marion Rousse, la directrice de l’épreuve, explique avec patience que le cyclisme féminin est en pleine mutation. « On évolue au même rythme que le cyclisme féminin, qui a considérablement changé depuis la première édition. Mais le modèle reste fragile. Il ne faut pas aller trop vite ou risquer de tout faire échouer. Plusieurs tentatives de courses féminines ont existé par le passé, mais elles se sont rapidement effondrées », confie-t-elle à franceinfo: sport en mai dernier. En 2025, le Tour de France femmes a d’ailleurs ajouté une journée supplémentaire, portant la course à neuf étapes, tout en proposant une cyclosportive le 2 août, entre Chambéry et le col de la Madeleine.
Une croissance encore limitée par les structures et la préparation des coureuses
Franck Perque, l’architecte du tracé, souligne que l’évolution se fera « au fil des années, comme cela a été le cas pour la professionnalisation ». Aujourd’hui, le peloton compte 154 coureuses, toutes mieux préparées qu’auparavant, après avoir reconnu les parcours. Il estime que ce format de neuf jours est « un bon compromis ».
Aucune des coureuses interrogées ne regrette l’absence d’un Tour de trois semaines. La plupart considèrent que ce n’est pas encore envisageable, notamment en raison des structures d’équipe. « Les filles sont capables de faire trois semaines, mais les équipes ne le peuvent pas encore », expliquait l’an dernier un dirigeant d’équipe World Tour. Certaines grimpeuses, comme Marion Bunel, voient une future évolution favorable, à condition qu’elle se fasse « pas à pas ». La sprinteuse Lorena Wiebes, quant à elle, espère que l’effort ne dépassera pas « deux semaines ».
Une progression encore limitée par la professionnalisation et les enjeux financiers
Il y a seulement quelques années, une majorité des coureuses du Tour féminin n’étaient pas professionnelles, et peu avaient déjà couru en haute montagne. La progression est notable, mais le peloton masculin, lui, évolue sur une autre planète. En 2025, la dotation totale pour les primes s’élèvera à 2,5 millions d’euros chez les hommes, contre seulement 250 000 euros pour les femmes. La caravane publicitaire, qui compte actuellement 50 véhicules, reste également bien inférieure à celle de l’épreuve masculine, qui en mobilise plusieurs centaines.
Les défis à relever pour un Tour de trois semaines
Les équipes féminines doivent encore étoffer leur effectif. Demi Vollering, vainqueure en 2023, précise : « Il y a encore beaucoup à améliorer. Je ne suis pas sûre de vouloir un jour un Tour de trois semaines. Les équipes féminines comptent en moyenne 15 coureuses, contre 25 chez les hommes. Ce n’est tout simplement pas possible de vivre un tel événement tout en participant au reste du calendrier. »
Les organisateurs et les coureuses sont d’accord : il faut assurer la pérennité de la course sans chercher à la faire grandir à tout prix. Christian Prudhomme, le directeur du Tour masculin, rappelle que « les championnes ne réclament pas encore un Tour de trois semaines, et il faut respecter l’histoire et la spécificité de chaque discipline ». En 2026, le Tour de France féminin poursuivra son évolution en proposant neuf jours de course, mais en partant de Lausanne, en Suisse, le 1er août, six jours après la fin de la course masculine sur les Champs-Elysées. La perspective d’un passage à deux semaines d’ici 2030 reste donc plausible, même si Marion Rousse reste prudente : « Si je vous donne ma vision du Tour en 2030, je risque de me tromper. Mais j’espère qu’il sera encore plus grand. »









