Socios Verts : le mouvement qui révolutionne le football français

Socios Verts : le mouvement qui révolutionne le football français

Les supporters en France prennent une place croissante dans la gestion des clubs avec le mouvement Socios Verts, une nouvelle tendance démocratique dans le football.

France

Le football populaire français est en train d’émerger d’un contexte de crise économique et de restructuration financière, marqué par la chute des droits télé et des recettes qui pèsent désormais bien plus lourd sur les clubs. Dans ce cadre, une voix monte: celle des supporters, invités à devenir acteurs du capital afin d’assurer la pérennité et l’ancrage territorial des clubs. Pour Jérémy Chatonnier, président de l’association Socios Verts et de la Fédération des socios de France, le moment semble propice à une reconnaissance croissante de l’actionnariat populaire, une dynamique qui bouscule le statu quo, notamment à Saint‑Étienne où l’expérience est la plus avancée.

Les garants du club et l’utopie du capital participatif

Le mouvement socios s’inscrit dans le cadre plus large du supportérisme, en quête d’un modèle économique et social qui place les fans au cœur des décisions sans pour autant viser une nationalisation ou une collectivisation des clubs. Il se distingue des ultras, qui se voient souvent comme un esprit syndical des tribunes et entretiennent des tensions avec les directions et les pouvoirs publics. Pour autant, Jérémy Chatonnier rappelle que certains de ses membres peuvent aussi être des ultras, ce qui n’étonne pas compte tenu des liens forts qui les unissent à des clubs comme Saint‑Étienne, où les virages et les kops constituent une colonne vertébrale identitaire.

Dans ce cadre, les socios s’imaginent comme des garants de la pérennité du club, mobilisant leur capital et leur engagement autour d’un projet partagé, afin de contrer les pressions d’investisseurs étrangers ou de multipropriété qui peuvent menacer l’ancrage local et le tissu sociétal du club.

Dans le récit d’un supporter, le socius peut devenir un levier d’action et d’influence, où la valeur du club réside autant dans le lien humain que dans le poids financier. Cette vision se nourrit de témoignages concrets et d’expériences locales qui démontrent qu’une gouvernance résolument tournée vers les supporters peut coexister avec la gestion sportive et économique traditionnelle.

Un phénomène encore récent en France, mais en progression

À l’échelle européenne, les socios présentent des dynamiques très ancrées. En Espagne, le Barça affiche près de 150 000 socios, dont 110 635 participent directement à l’élection du président. En Allemagne, la règle du « 50+1 » garantit que l’association historique détienne la majorité et que la gouvernance reste ancrée localement; le Bayern Munich réunit ainsi environ 350 000 socios. Ces chiffres illustrent à quel point le soutien populaire peut devenir un socle économique et social solide autour de l’institution sportive.

En France, les scepticismes restent importants et les soutiens actifs restent minoritaires, même si le mouvement prend de l’ampleur. Huit associations associatives existent aujourd’hui: Sochaux, Guingamp, Rouen, Bastia, Nancy, Metz, Nîmes et Bordeaux. Pour autant, les expériences passent souvent par des épisodes critiques, comme à Sochaux ou Bastia, qui ont été des catalyseurs pour faire entendre la voix des supporters et mettre en lumière leur capacité à peser sur le cours du club lorsque la situation financière ou sportive est menacée.

« Quand les clubs are au bord du gouffre, ce sont les supporters qui se mobilisent. Regardez ce qui se passe à Ajaccio… De toute façon, il y aura de plus en plus de socios », affirme Jérémy Chatonnier, soulignant une tendance qui pourrait s’amplifier dans les années à venir.

Des preuves tangibles en France et des pistes à suivre

Guingamp a ouvert la voie en 2017 avec un modèle de socios qui a inspiré d’autres expériences. Le SC Bastia a franchi un pas symbolique en 2019, lorsqu’il s’est converti en société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) alors qu’il évoluait en National 3, réunissant près de 14 000 actionnaires, dont les Socios Étoile Club bastiais et leurs 5 470 membres. Ces dynamiques démontrent l’usage concret du capital des supporters et leur capacité à influencer les choix stratégiques d’un club, même lorsque la compétition sportive connaît des aléas.

L’objectif des socios reste de convaincre les dirigeants de la valeur réelle de ce capital, non seulement en termes financiers mais aussi en tant que vecteur de démocratie locale et d’un récit commun autour du club et de son territoire. Dans ce cadre, Régis Juanico, ancien député et spécialiste des questions sportives, a résumé sur les réseaux sociaux le potentiel de ce modèle: « un gouvernance où la passion des supporters se mue en levier d’action et d’influence pour le développement du club, ancré sur son territoire, suscitant la passion en toute la France et restant une marque connue dans le monde entier ». Le message est clair: le supportérisme peut devenir un moteur durable de gouvernance et de développement, à condition de démontrer qu’il n’implique pas nécessairement de perte pour les directions traditionnelles.

Le chemin reste toutefois semé d’obstacles. En France, le capitalisme club est souvent plus prudent que libéral, et convaincre les propriétaires et les directions de clubs à ouvrir leur capital à des actionnaires issus du monde des supporters représente un pari à long terme. Le débat persiste: les clubs peuvent-ils réellement trouver un équilibre entre performance sportive, attractivité économique et implication démocratique des supporters, sans risquer de fragiliser l’équilibre financier ou la gouvernance opérationnelle?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *