Le rugby féminin en France évolue vers une professionnalisation progressive, portée par une série de réformes qui visent à améliorer les performances et la visibilité. À l’aube de la saison 2024-25, la création d’une poule unique réunit les dix meilleures équipes dans l’Élite 1, faisant émerger un cadre plus structuré pour le rugby féminin et ses joueuses.
Nouvelle vie
Pour certaines joueuses, des contrats fédéraux, garantis par la FFR et liés à l’équipe de France à XV ou à VII, apportent une rémunération sur une durée déterminée et renouvelable en fonction des résultats, avec une présence à temps partiel (75 %). « Le contrat nous ouvre une nouvelle vie sur le monde professionnel et les entraînements quand on veut, quand on nous le demande », affirme Charlotte Escudero, troisième ligne des Bleues et du Stade Toulousain. « On s’entraîne beaucoup plus, on est beaucoup plus tournées vers la performance ». Néanmoins, ces contrats restent l’exception et la plupart des joueuses doivent encore jongler entre rugbystique et activités professionnelles pour gagner leur vie.
« Notre priorité, c’est de faire monter en puissance l’Élite 1 et les filles qui ne sont pas internationales, qui aujourd’hui constituent des clubs d’Élite 1, leur donner un statut qui va leur permettre d’avoir une rémunération beaucoup plus importante », expliquait en juin Jean-Marc Lhermet, vice-président de la Fédération française de rugby. « Autant les joueuses qui font partie de l’équipe de France bénéficient d’un cadre clair, autant autour des filles évoluant en Élite 1 féminine, il subsiste des zones d’ombre qu’il faut corriger pour faciliter l’accès au plus haut niveau », ajoutait-il.
Plus de moyens
Le Stade Toulousain a ouvert la voie en établissant des aménagements concrets pour faciliter la vie des joueuses. Depuis deux saisons, le club rouge et noir a négocié avec les employeurs des joueuses pour autoriser un travail à 80 % et deux demi-jurnées libérées chaque semaine, compensant financièrement les 20 % de salaire manquant. « Ce qui a été flagrant, c’est l’aspect mental, ça c’est évident », remarque Céline Ferer, co-entraîneure des vice-championnes de France, « et cela permet de mieux s’entraîner et d’éviter des journées à rallonge ».
Les inégalités d’infrastructures demeurent un point de friction majeur. Joanna Grisez, ailière des Girondines et du XV de France, témoigne : « Bordeaux est champion de France, mais notre salle de musculation est sous des gradins que l’on partage avec le Stade Bordelais Omnisport, et la salle de sport ne fait que 25 m², bien loin des standards souhaitables ». Elle souligne aussi la nécessité d’un championnat mieux médiatisé pour attirer davantage de sponsors et offrir des moyens renforcés afin d’installer durablement les joueuses dans une structure plus solide et mieux accompagnée. Des signes positifs existent toutefois : certains matches d’Élite 1 ont été diffusés par Canal+, et la finale a été projetée en clair, témoignant d’un regain d’attention.
« On veut avoir plus de ressources financières, très clairement, et c’est étroitement lié à la visibilité : plus l’activité sera médiatisée, plus les matches seront de haut niveau et plus les partenaires s’intéresseront », résume Jean-Marc Lhermet. Ces déclarations reflètent une aspiration partagée par l’ensemble des acteurs du rugby féminin en France : augmenter les moyens alloués pour élever le niveau de jeu et développer la portée médiatique du sport.
Ces évolutions laissent entrevoir une professionnalisation progressive du rugby féminin en France, même si le chemin demeure long et inégal. Si les réformes se poursuivent et que les infrastructures et les soutiens financiers suivent, la visibilité et la qualité des matches devraient continuer à progresser, au bénéfice du rugby féminin, des clubs et du public.






