Remporter un seul trophée est déjà un défi de taille, mais réaliser un doublé européen en remportant à la fois la Champions Cup et la Challenge Cup dans une même saison demeure un exploit exceptionnel pour les clubs anglais. En effet, cela ne s’est produit qu’une seule fois au cours des vingt dernières années, en 2020, année marquée par la pandémie de Covid-19, lorsque les Exeter Chiefs et les Bristol Bears ont triomphé dans des stades largement vides. Avant cela, il fallait remonter à mai 2004 pour voir un tel exploit, avec Wasps et Harlequins qui s’étaient imposés face à Toulouse et Montferrand respectivement.
Des finales anglo-françaises au sommet de la Coupe d’Europe
Cette semaine, l’actualité est marquée par deux finales mêlant clubs anglais et français : Northampton Saints affrontera Bordeaux-Bègles pour l’événement principal, tandis que Bath se mesurera à Lyon lors de la rencontre d’ouverture vendredi soir. Le défi est de taille pour les formations anglaises, dans un contexte où les clubs français ont dominé ces dernières années — sept trophées sur les huit derniers disponibles —, le reste ayant été glané par des équipes sud-africaines.
Les Bordelais, réputés pour leur jeu offensif flamboyant, et Lyon, malgré une modeste 11e position en Top 14, peuvent encore perpétuer cette domination. Cependant, la profondeur et la qualité des avants de Bath ainsi que la prestation impressionnante de Northampton en demi-finale face à Leinster laissent entrevoir un espoir de retour au premier plan du rugby anglais en Europe.
Un parallèle entre succès européen et forces internationales
Il est souvent délicat de lier directement le palmarès en Champions Cup à la réussite internationale, mais des corrélations fortes existent. La période durant laquelle l’équipe d’Angleterre a été au sommet de son art en ère professionnelle, notamment entre 2001 et la Coupe du monde 2003, coïncide avec une domination anglaise dans les compétitions européennes.
Cette résurgence probable s’illustre aussi à travers la tournée d’Argentine programmée cette année, où l’entraîneur Steve Borthwick alignera une formation jeune et prometteuse, malgré l’absence de nombreux Lions. La qualité des matchs en club offre d’ailleurs aux spectateurs une expérience renouvelée, avec un rugby plus dynamique et varié.
Un rugby anglais en pleine transformation
Si le rugby anglais ne se réinvente pas complètement, on note une évolution notable dans l’état d’esprit et la confiance des équipes. Northampton Saints, Bath, Bristol, Gloucester et Harlequins montrent tous des performances capables de captiver les supporters, tandis que Leicester, Sale et Saracens restent des concurrents redoutables.
La question demeure quant à la pérennité de cette dynamique et à la capacité du rugby anglais à résister à la puissance financière de ses rivaux français. Les finales à Cardiff prennent donc une importance capitale pour inverser les perceptions et renforcer la confiance collective.
Les ambitions de Northampton et Bath
Northampton, finaliste en 2000 avec Pat Lam et son équipe victorieuse face à Munster à Twickenham, entend bien renouer avec ces exploits. Les Saints sont champions d’Angleterre en titre et affichent un bilan impressionnant en déplacement, avec des victoires à Pretoria, Limerick et Dublin en une seule saison. Bath, de son côté, n’a plus soulevé la Champions Cup depuis longtemps, mais a décroché la Challenge Cup en 2008.
Les résultats en Premiership sont excellents pour Bath, et leurs fans s’attendent à ce qu’ils remportent enfin le titre tant attendu. L’apport des internationaux écossais comme Finn Russell, ainsi que leur contingent sud-africain, est complété par le développement constant de jeunes talents anglais tels que Ted Hill, Guy Pepper, Will Muir, Max Ojomoh et Ciaran Donoghue.
Une nouvelle génération de talents et d’entraîneurs
Ces joueurs anglais prometteurs devraient tous participer à la tournée estivale en Argentine et aux États-Unis, témoignant de la qualité de leur formation et encadrement. Curieusement, les entraîneurs les plus en vue dans les équipes les plus dynamiques de Premiership sont tous âgés d’une quarantaine d’années, comme Phil Dowson, Johann van Graan, Lee Blackett, Sam Vesty, Alex Sanderson et George Skivington, à l’exception de Van Graan.
Cette « génération » d’entraîneurs apporte une nouvelle approche, à la fois intuitive vis-à-vis des évolutions rapides du rugby moderne et proche des attentes des joueurs. Steve Borthwick, sélectionneur de l’équipe nationale, appartient à cette même catégorie d’âge et prône un style de jeu plus libre et audacieux.
Le rugby anglais sort de sa léthargie tactique
Finalement, un cercle vertueux semble émerger : club et sélection nationale souhaitent poursuivre des objectifs communs, une relève talentueuse s’affirme chez les jeunes internationaux, et les joueurs jouissent davantage de liberté d’action. Bien que cette évolution ne soit pas explosive, elle semble insuffler un nouvel élan au rugby anglais, souvent perçu comme en sommeil tactique ces dernières années.
Avec un engagement total, un enthousiasme retrouvé et des attentes élevées, il n’est pas surprenant que ce week-end soit très attendu. Le dernier titre en Champions Cup remporté par un club anglais remonte à 2007 avec Wasps. Rééditer cet exploit pourrait précipiter un renouveau plus large du rugby anglais sur la scène européenne.









