La terre battue, emblème historique de Roland-Garros, semble aujourd’hui en crise en France, ce qui soulève de nombreuses questions sur l’avenir du tennis français. Malgré ses racines profondes dans le pays, cette surface se fait de plus en plus rare dans l’Hexagone, impactant la formation des jeunes joueurs et la performance nationale sur cette discipline. À l’approche de l’édition 2025, la dissonance entre tradition et réalité pose un défi majeur pour le développement du tennis français.
Une histoire riche mais une présence en déclin
Originaire de Cannes à la fin du XIXe siècle, la terre battue est devenue le symbole de Roland-Garros, le tournoi du Grand Chelem qui lui est dédié. Son origine remonte à une improvisation des frères Renshaw, qui ont recouvert des terrains en herbe d’une poudre de terre cuite, remplacée aujourd’hui par la brique. Cependant, si cette surface a façonné l’identité du tennis français, elle est aujourd’hui en perte de vitesse dans l’Hexagone.
Selon la Fédération Française de Tennis, en 2024, la terre ne représente plus que 13% des courts en France (12% en intérieur), contre 56% pour le béton, une surface peu appréciée par les joueurs. Même en intégrant les courts en terre artificielle, la proportion reste faible, notamment comparée à l’Espagne où 75% des courts sont en terre, ou à l’Italie avec 67%, profitant d’un climat plus favorable.
Les enjeux financiers et sportifs de l’entretien de la terre battue
Depuis la fin des années 1970, la construction de courts en dur a été privilégiée, notamment dans le cadre de l’opération des 5 000 courts de Philippe Chatrier. Si cette démarche a permis de développer le tennis à travers la France, elle a aussi contribué à une diminution de l’exposition à la terre battue, surface moins accessible et plus coûteuse à entretenir.
Le président de l’Association pour le développement de la terre battue, Bruno Renoult, déplore cette évolution : « C’est une énorme erreur », explique-t-il, soulignant que le béton est la surface qui amortit le moins les chocs, ce qui peut nuire à la santé des joueurs. Il insiste aussi sur le fait que la terre battue, surface la moins agressive et la plus variée, est essentielle pour la formation des jeunes talents.
Malheureusement, l’entretien de la terre battue est coûteux, avec une réfection annuelle nécessaire qui double le coût par rapport aux autres surfaces. La Fédération Française de Tennis estime que ces courts restent néanmoins les moins chers à construire, avec une longévité pouvant atteindre 25 à 30 ans. Cependant, leur entretien requiert une main-d’œuvre spécialisée, ce qui représente un défi financier pour de nombreux clubs.
Les bénéfices de la terre battue pour le développement du jeu
Selon la joueuse française Léolia Jeanjean, classée 103e mondiale, jouer sur terre permet de développer des qualités physiques et tennistiques essentielles. Elle insiste sur le fait que cette surface favorise un jeu plus varié, contrairement au dur, souvent stéréotypé et plus agressif.
Malgré les contraintes climatiques, certains experts estiment qu’il est possible d’adapter la pratique pour préserver la terre battue en France. Benjamin Bonzi, 60e mondial, évoque notamment la difficulté d’avoir des courts en terre battue exploitables plus de six mois dans l’année, mais ne considère pas cela comme une fatalité.
Bruno Renoult souligne que d’autres pays, comme l’Allemagne ou l’Autriche, avec plus de 90% de courts extérieurs en terre, ont su adapter leur infrastructure à leur climat. Il évoque la possibilité d’utiliser des matériaux moins traditionnels mais plus adaptés aux régions plus froides ou pluvieuses, pour préserver cette surface emblématique.
Perspectives pour l’avenir du tennis en terre battue en France
Pour remédier à cette situation, Gilles Moretton, président de la FFT, a évoqué la nécessité de créer un centre national d’entraînement sur terre battue, notamment dans les Alpes-Maritimes, d’ici 2026. Cette initiative viserait à renforcer la pratique de cette surface et à renouer avec les racines du tennis français.
Yannick Noah, ancien champion et figure emblématique du tennis français, soulignait déjà en 2020 l’importance de privilégier la terre battue pour améliorer la performance nationale. Il insistait sur le fait que la concentration sur des surfaces plus traditionnelles pourrait contribuer à redonner à la France une place de choix dans le tennis mondial.











