Quercy: du silence au clash avec Galthié, portrait d’un capitaine en feu

Quercy: du silence au clash avec Galthié, portrait d’un capitaine en feu

Fred Quercy, capitaine de Montauban, passe d’un rôle discret à une polémique nationale après des propos sur Fabien Galthié; le rugby oscille entre loyauté et fracture.

France

De l’ombre de la Pro D2 aux feux d’une polémique nationale, Fred Quercy a tout connu en quelques semaines. Le capitaine de Montauban veut jouer vrai et parler cru. Mais ses mots sur Fabien Galthié pourraient aussi lui coûter cher.

Quercy n’avait jamais vraiment compté. Ou plutôt: il avait jusqu’ici compté dans ce rugby des marges, de la Pro D2, ce monde où l’on s’use le corps sans attendre autre chose que le respect de ses coéquipiers. Montauban, Nevers, Montauban. Un trajet simple, des saisons neutres, le travail invisible. On aurait pu croire qu’il finirait sa carrière dans l’ombre. Puis tout a basculé: son club a décroché la montée en Top 14. La belle histoire, on vous l’a racontée. Mais pour lui, la vraie secousse est venue d’une phrase sèche et violente: « Fabien Galthié est le plus grand entraîneur que j’ai eu. Mais humainement, c’est une merde. »

À partir de là, la mécanique s’est emballée. Des excuses lui ont été demandées, puis retirées par la FFR, comme si l’institution hésitait entre sévir et reculer. Le président Florian Grill a tranché: « J’accepte les critiques, je ne tolère pas les injures. » La semaine suivante, la commission de discipline de la LNR prendra le relais et Quercy sera convoqué pour « atteinte à l’intérêt supérieur du rugby français », une formulation élastique qui peut recouvrir homophobie, racisme et invectives trop crues. Le règlement 723.8 est brandi comme une épée de Damoclès: il peut aller du simple blâme à la radiation.

Plus le fardeau s’alourdit, plus son statut de martyr semble se dessiner. Mais ce destin de bouc émissaire n’est pas évident. Autour du capitaine montalbanais, les voix se déchirent: certains célèbrent son courage et sa parole nue, d’autres dénoncent son inélégance et le rappel d’un passé vieux de treize ans, lorsque Galthié était un autre homme et un jeune entraîneur.

Le sens du clash

Quercy, hein ? C’est une gueule, déjà. Une barbe de jais, parfaitement taillée, qui lui donne des airs de cow-boy, de baroudeur, de gitane magnifique. Un œil sombre, perçant, qui jauge comme si vous étiez déjà de trop. La tignasse est noire, épaisse, et son gabarit parle: 1,88 m pour 100 kg. Imposant chez les civils, ordinaire parmi les géants. Dans son sillage, les souvenirs et les fidélités remontent, chacun cherchant à témoigner de l’homme derrière l’excès. Charly Malié, son frère d’armes depuis l’enfance, se souvient d’un môme de Béziers « qui faisait chier tout le quartier avec ses ballons ovales ». Eux ont grandi côte à côte, de la maternelle aux terrains cabossés. Loin des terrains, l’arrière de l’ASBH décrit un fils attentif à son père, surtout après le décès de sa mère récente. Puis la mécanique: les motos, les pierres lourdes d’une vieille bâtisse à Montauban qu’il a presque entièrement retapée. « Je l’appelle son château », dit Charly. « Ça l’énerve. » On sourit. « Fred, il a pris beaucoup de tartes dans sa carrière mais il n’a jamais renoncé. Son rêve, c’était de jouer en Top 14 et pour ça il a tout donné. »

Et puis, la mémoire revient sur le parcours pro: à Béziers, les Espoirs promettaient un contrat pro rapidement; mais lui voulait intégrer Montpellier pour atteindre le Top 14 plus vite. Il a envoyé des vidéos, multiplié les appels, payé sa licence de sa poche et y est parvenu. On disait juste qu’il était « malade ».

Les tartes évoquées par Charly Malié se lisent aussi dans les épisodes rugby: l’interruption de la Coupe du monde 2023 avec la disqualification de l’Espagne pour une erreur administrative. Quercy a dénoncé l’affaire en ces termes: « Ce n’est pas possible d’être aussi con. En Coupe du monde, on aurait pu montrer la valeur du rugby espagnol et, de l’autre côté des Pyrénées, le nombre de licenciés aurait flambé. Ils ont tout foutu en l’air et pour se défendre, ils se sont même pointés devant World Rugby avec un avocat ayant deux ans d’expérience. En somme, mon rêve s’est brisé parce que trois mecs ont magouillé des papiers. »

Puis la Nièvre, épisode plus intime: la relation avec le manager Xavier Péméja se fragilise jusqu’au point de rupture. Péméja, d’ordinaire affable, a refusé de commenter: « Non, merci. Ce serait lui donner trop d’importance. » Le rugby est une grande famille, mais il y a des ruptures, des incompatibilités et des rancunes.

Le choix du parcours n’est pas une excuse : Quercy s’est souvent imposé par sa détermination et son audace, dans un univers où les mots peuvent peser autant que les placages. Le rugueux équilibre entre loyauté et franchise reste au cœur du débat autour de ce joueur et de son club.

Malié: « Les gens se souviendront de lui pour ce qu’il est vraiment »

Quand quelque chose déplaît, Quercy ne cherche pas la demi-mesure: il clash. Charly Malié, son ami, parle avec une tendresse désarmée: « Sa franchise est un socle de notre amitié. Quand j’ai lu l’article sur Galthié, j’ai aussitôt pensé que c’était du Fred tout craché. Il n’a aucun filtre alors qu’il en faudrait parfois dans le monde du rugby pro. J’ai peur que cette histoire le desserve. Il risque gros, il paraît. »

Kevin Gimeno, ancien coéquipier au centre de formation du MHR et aujourd’hui entraîneur à l’ASBH, déroule la même logique: « Ce sont des propos un peu choquants mais franchement on a connu pire. Si ça fait tout ce foin, c’est surtout parce que ça touche le sélectionneur national. Ceux qui dézinguent Fred sur les réseaux n’ont pas conscience de ce qu’on a vécu à Montpellier à l’époque. » Pour Gimeno et d’autres, la sortie médiatique relève de la maladresse plutôt que du crime. Jérémie Maurouard, talonneur et frère de vestiaire, complète: « Si tout le monde était comme Fred, la vie serait plus simple et le monde meilleur. Il faut dire les vérités dans les clubs, sinon les joueurs pro deviennent des robots. Que la FFR ait retiré puis rendu sa licence pour une simple phrase, c’est une injustice à mes yeux. »

Émile Bolzan, grand-père et mémoire vivante du club de Béziers, conclut: « Je suis malheureux pour mon petit-fils. Il avait cette rancune envers Galthié et il a voulu que ça sorte. Il a peut-être fait une bêtise; j’espère que la Ligue sera compréhensive et qu’il ne terminera pas sa carrière avec une mauvaise image. C’est un bon garçon, vous savez. »

Ainsi se dessine le destin paradoxal de Fred Quercy: un troisième ligne cabossé, amoureux des moteurs et des vieilles pierres, propulsé au rang de symbole d’un sport hésitant entre loyauté et franchise, entre respect et révolte. Il n’a peut-être pas choisi ses mots. Mais il a choisi de parler. Dans un rugby qui préfère les cicatrices muettes, cette insoumission ressemble à un acte politique.

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