Alors que l’équipe d’Angleterre entame une nouvelle ère devant 80 000 spectateurs, Peter Beardsley, une légende du passé, tente de relancer sa propre carrière devant une centaine de personnes dans un contexte bien plus modeste. Le lieu ? La Masonic Hall à Aspatria, petite ville du Cumbria, distante de près de 480 kilomètres de Wembley, bien loin de l’agitation des stades internationaux.
Une légende du football anglais dans une salle discrète
Décorée de portraits du roi et de la défunte reine, cette salle modeste est loin d’être le cadre habituel des grandes figures du football. Pourtant, c’est ici que Peter Beardsley, autrefois considéré comme le prince de St James’ Park, fait face à un public restreint. Six ans après que Newcastle United ait mis fin à son contrat suite à une enquête de 14 mois portant sur des accusations de racisme et de harcèlement lorsqu’il était entraîneur des moins de 23 ans, Beardsley semble éloigné des projecteurs.
La Fédération anglaise de football (FA) l’avait suspendu pendant 32 semaines après avoir reconnu trois infractions de langage raciste, y compris des propos impliquant un joueur noir. Bien que Beardsley nie ces accusations, le monde du football lui a tourné le dos depuis.
Une soirée dédiée à un parcours exceptionnel
Le « An Evening with Peter Beardsley » se tient pour 20 € la place, avec un public chaleureux rassemblé autour d’un repas traditionnel. Dès l’arrivée, la présence de Beardsley est trahie par sa voiture noire arborant sa célèbre plaque personnalisée « Pedro », son surnom de toujours.
À 20 h 15, vêtu d’une veste noire et blanche à carreaux évoquant son club de cœur, Newcastle, il commence à raconter son parcours, de ses débuts modestes à Carlisle, à 32 km d’Aspatria, en 1979, jusqu’à sa participation à deux Coupes du Monde avec l’équipe nationale anglaise.
En une heure, il retrace sa carrière brillante, évoquant ses passages chez Vancouver Whitecaps, Newcastle, Liverpool et Everton, avec un total impressionnant de 59 sélections en équipe d’Angleterre. Le public suspend à ses lèvres chaque anecdote.
Les regrets et la vision d’un football en mutation
Beardsley occulte volontairement la deuxième partie de sa vie footballistique, marquée par la controverse. Il exprime notamment son ressentiment envers la manière dont sa carrière d’entraîneur s’est brusquement arrêtée, affirmant qu’il n’a jamais proféré d’éléments déplacés envers les jeunes joueurs concernés par les plaintes.
« Le ‘banter’ était accepté à l’époque, mais plus maintenant », confie-t-il en rappelant une anecdote à propos d’un essai raté à Cambridge. Il déplore que les modes de communication aient changé, jugeant sévèrement cette évolution : « Aujourd’hui, dire des gros mots est considéré comme un crime. C’est étrange comme le monde a changé. »
Malgré son ton défensif, Beardsley reste attaché à sa réputation de joueur : deux championnats de Ligue, une FA Cup et de nombreuses passes décisives, notamment pour Gary Lineker, qui le remercie encore quotidiennement pour leur complicité en sélection.
Des relations fortes et un hommage à Kevin Keegan
Au fil de son discours, il mentionne ses liens toujours étroits avec des légendes du football anglais telles que Lineker, Paul Gascoigne et Kevin Keegan. Il raconte que Gascoigne appelle son fils Drew, né le même jour que lui, chaque année pour son anniversaire, et souligne l’importance de Keegan dans sa vie :
« KK était incroyable pour moi et il l’est toujours. Il est comme un père pour moi, le meilleur du football que j’aie jamais rencontré. »
Ce respect profond illustre l’impact durable de Beardsley dans le cœur des fans, perceptible lors de la vente aux enchères caritative qui suit sa conférence, où deux maillots anglais de la Coupe du Monde 1990 signés par lui se vendent pour 530 €.
Un homme encore passionné mais désabusé par le coaching
Lors de la séance de questions-réponses, les spectateurs ont soumis leurs interrogations par écrit, un dispositif choisi pour éviter toute surprise. Beardsley se lâche alors notamment sur son ancien sélectionneur, Graham Taylor, qu’il qualifie sans détour d’« incapable », et réagit vivement à une question d’un supporter de Liverpool au sujet de leur rivalité.
Interrogé sur un retour dans le football, il affirme qu’il ne souhaite plus entraîner, expliquant : « On ne peut plus crier sur les joueurs ni les critiquer. Je ne veux plus être manager car on dépend trop de l’honnêteté des autres au quotidien, et ça ne marche pas toujours. »
Il évoque néanmoins quelques engagements ponctuels, notamment la tenue d’un stage pour enfants en 2021 et des discussions récentes autour d’un poste d’entraîneur dans un club du Nord. Malgré son désir persistant, aucun retour professionnel durable ne lui a encore été offert.
À 64 ans, Beardsley joue régulièrement au football à cinq avec des enseignants locaux, déclarant s’y amuser énormément, même s’il touche peu le ballon et se contente souvent de feintes.
Il se montre clair dans son regard sur le football d’aujourd’hui : « Je ne reviendrai jamais en tant que manager, mais je reste moi-même, avec toutes mes qualités et mes défauts. Je préférerais jouer à mon époque qu’à la vôtre. »










