Montsé Tomé : la nouvelle tête du football féminin espagnol face aux défis du système Rubiales
Près de deux ans après la victoire historique de l’équipe féminine d’Espagne à Sydney, où la Roja a décroché son tout premier titre mondial face à l’Angleterre (1-0), le paysage du football espagnol a connu de profonds bouleversements. Si cette victoire a symbolisé un tournant pour le football féminin dans la péninsule ibérique, elle a également été suivie d’une période tumultueuse, marquée par des scandales et des tensions au sein de la fédération locale.
Le président de la Fédération royale espagnole de football (RFEF), Luis Rubiales, a été au centre de ces turbulences, notamment après son comportement inapproprié lors des célébrations du titre mondial, qui lui a valu une condamnation pour agression sexuelle sur Jenni Hermoso. Son éviction, ainsi que la démission de Jorge Vilda, entraîneur emblématique de la sélection, n’ont pas suffi à instaurer un changement durable. La fédération a préféré confier la destinées de la Roja à Montsé Tomé, ancienne directrice sportive, qui a été nommée sélectionneuse, devenant ainsi la première femme à occuper cette fonction dans l’histoire du football espagnol.
Une prise de pouvoir qui divise
Les tensions entre la fédération et l’équipe nationale féminine ont débuté bien avant le Mondial 2023, notamment avec l’affaire des « Las 15 », un groupe de joueuses qui, lors de l’Euro 2022, avaient exprimé leur mécontentement face à des conditions d’entraînement et de compétition jugées insuffisantes. Leur revendication principale portait sur la restructuration de la gestion du football féminin, ainsi que sur le départ du président Rubiales, qu’elles considéraient comme un obstacle au progrès du sport féminin en Espagne.
Malgré ces revendications, Montsé Tomé a choisi de maintenir dans son staff plusieurs joueuses issues de ce mouvement, ce qui a alimenté les doutes quant à la volonté réelle de la fédération de changer en profondeur. Lors de ses premiers pas à la tête de l’équipe, la nouvelle sélectionneuse a dû faire face à une opposition interne, avec 39 joueuses, dont 21 championnes du monde, qui ont publié un communiqué demandant des changements structurels majeurs. Leur objectif : réformer l’organigramme de la fédération et obtenir la démission du président, encore en place à cette époque.
Un début difficile, mais des avancées
Les tensions n’ont pas empêché un certain accord d’émerger entre la fédération et la majorité des joueuses, qui ont finalement accepté de revenir en sélection, à l’exception de deux d’entre elles, Mapi León et Patri Guijarro, qui ont quitté le rassemblement pour des raisons personnelles. La sortie du documentaire Netflix « Se Acabó » en novembre dernier a également ravivé les tensions, notamment avec Irene Paredes, capitaine de la Roja, qui n’a pas été sélectionnée lors de la trêve suivante. La joueuse a critiqué la nouvelle orientation de l’équipe, soulignant l’importance de l’esprit d’équipe et du travail collectif, tout en laissant entendre que ses valeurs ne correspondaient plus à celles de la sélection actuelle.
Malgré ces remous, la sélection espagnole a réussi à se hisser en finale de l’Euro 2025, grâce notamment à la performance exceptionnelle d’Aitana Bonmatí. Ce succès permet à Montsé Tomé d’espérer une prolongation de son contrat, qui expire le 30 août prochain, alors que la pression reste forte pour une gestion plus stable et cohérente de la part de la fédération.
Le défi Jenni Hermoso et la gestion de la crise
Le cas Jenni Hermoso demeure une épine dans le pied de la sélectionneuse. Lors de sa première sélection sous la nouvelle gouvernance, Tomé a choisi de l’écarter pour la « protéger », une décision qui a suscité de vives critiques. La joueuse, qui a été au centre du scandale lié à Rubiales, a exprimé publiquement son mécontentement, notamment en critiquant la gestion de la fédération et en soulignant que l’équipe aurait pu faire mieux sans certaines décisions controversées.
En dépit d’un discours de stabilité et de reconstruction, la relation entre la fédération et Hermoso reste tendue. La joueuse, absente de l’équipe lors de l’Euro 2025, a laissé entendre que la fédération n’avait pas suffisamment tiré les leçons du passé. La sélectionneuse a insisté sur le fait qu’elle soutenait toutes les joueuses, tout en affirmant que son objectif était de préserver l’esprit d’équipe et de continuer à faire progresser la sélection.
Une équipe en mutation
Les choix tactiques de Montsé Tomé lors des compétitions ont été souvent discutés, notamment lors de la Coupe d’Europe. La défense, pourtant solide, a été pointée du doigt, mais la sélectionneuse a toujours défendu la cohésion collective et la nécessité d’un travail d’équipe pour atteindre les objectifs. La victoire en finale contre l’Allemagne, grâce notamment à la performance d’Aitana Bonmatí, a prouvé que l’Espagne pouvait rivaliser avec les meilleures équipes européennes.
Alors que son contrat arrive à échéance, la question de sa succession ou de sa prolongation demeure en suspens, mais son impact sur le football féminin espagnol est indéniable. La gestion de cette équipe, entre continuité et changement, reflète les grands défis du football espagnol face à ses propres contradictions et à la nécessité de se réformer en profondeur.









