Les investisseurs américains jouent un rôle de plus en plus important dans la Premier League, le championnat de football le plus suivi au Royaume-Uni. Si Sheffield United remporte son match face à Sunderland ce samedi à Wembley, l’influence des investisseurs américains dans le football anglais atteindra un niveau sans précédent, avec tous les trois clubs promus contrôlés par des entités américaines. Ce scénario rapproche la majorité des clubs de la première division anglaise d’un contrôle majoritaire américain, ce qui pourrait transformer durablement le paysage du football au Royaume-Uni.
Une montée en puissance des clubs américains en Premier League
Depuis l’acquisition de Everton par le Friedkin Group du Texas en décembre, la présence américaine dans le football anglais ne cesse de croître. Avec Liverpool, Arsenal, Aston Villa, Chelsea, Manchester United, Crystal Palace, Bournemouth, Ipswich Town et Fulham déjà sous contrôle américain, la majorité des clubs de Premier League sont désormais détenus par des investisseurs venus des États-Unis. Même si Ipswich a été relégué, la promotion de Leeds United (appartenant à l’entité d’investissement des San Francisco 49ers) et Burnley (AIK Capital) assure que la majorité des clubs de l’élite seront américains la saison prochaine, avec Sheffield United (COH Sports) en ligne de mire.
De plus, Wrexham et Birmingham City, qui ont récemment été promus en Championship, rejoignent Norwich City, Millwall, Swansea et West Brom, renforçant encore cette tendance. La domination américaine dans le football anglais semble désormais inévitable à court terme.
Une histoire qui remonte à vingt ans
Le phénomène a débuté il y a deux décennies lorsque la famille Tampa Bay Glazer a racheté Manchester United lors d’un achat très controversé, chargé d’endettement. Cette opération a ouvert la voie à d’autres investisseurs américains, malgré les difficultés financières et la baisse de performance du club depuis. La gestion de Liverpool par George Gillett et Tom Hicks entre 2007 et 2010, au bord de la faillite, a également contribué à ternir la réputation des investisseurs américains dans le football anglais.
Ces premières expériences ont laissé des traces, mais elles n’ont pas empêché la tendance de s’accélérer, notamment avec l’intérêt croissant pour un marché global où la valeur des clubs américains comme Manchester United dépasse désormais 5,2 milliards d’euros, malgré des saisons difficiles sur le plan financier.
Les motivations des investisseurs américains
Le principal moteur derrière cette expansion est financier. La majorité des investisseurs américains dans le football anglais restent discret, leur objectif étant de maximiser les profits. Certains ont connu des pertes importantes, comme Sunderland ou Aston Villa, mais d’autres ont réalisé d’énormes gains. La famille Glazer, par exemple, a tiré profit de ses dividendes et de la revalorisation de ses parts, tandis que Sir Jim Ratcliffe a investi 1,1 milliard d’euros pour acquérir 28 % de Manchester United.
Le football anglais représente une opportunité attrayante, notamment grâce à la couverture médiatique mondiale, la popularité de la Premier League, et des événements comme la Coupe du Monde des Clubs ou la Coupe du Monde 2026 aux États-Unis. La croissance des droits télévisés, des ventes de billets et du sponsoring est également un levier important pour ces investisseurs, qui voient dans le football une plateforme lucrative pour leur expansion globale.
Les risques et inquiétudes liés à cette influence américaine
Le projet de Super League européenne en 2021 a mis en évidence les ambitions de certains propriétaires américains, avec la participation de figures clés comme Joel Glazer, John W. Henry et Stan Kroenke. Leur vision d’un football fermé, sans promotion ni relégation, a été largement rejetée par les fans et a finalement échoué. Cependant, cette volonté de transformer le modèle traditionnel du football anglais en un système à l’américaine reste présente.
En 2022, Todd Boehly, copropriétaire de Chelsea, a exprimé son souhait que la Premier League adopte certains éléments du sport américain, comme des rencontres entre stars du Nord et du Sud ou des play-offs de relégation. Ces propositions ont suscité de vives critiques, notamment de la part de figures emblématiques comme Gary Neville, qui ont dénoncé une menace pour l’intégrité du système pyramidal du football britannique.
Des inquiétudes persistent quant à la possibilité que deux tiers des clubs soient contrôlés par des investisseurs américains, ce qui pourrait conduire à une homogénéisation du pouvoir décisionnel. Des voix s’élèvent également contre la tentation de délocaliser certains matches à l’étranger ou de supprimer le blackout télévisé du samedi après-midi pour maximiser les revenus médiatiques.
Une réponse mitigée des autorités et du gouvernement
Malgré ces préoccupations, certains responsables politiques et dirigeants de clubs saluent l’apport des investisseurs américains. Paraag Marathe, président de Leeds United et représentant des 49ers, a insisté en 2022 sur la nécessité de préserver l’unicité du football anglais, tout en reconnaissant que ces investisseurs apportent une gestion saine et une vision différente.
La secrétaire d’État à la Culture, Lisa Nandy, a indiqué que la présence d’investisseurs du monde entier témoigne de l’attractivité de la Premier League. Elle a souligné l’importance de maintenir des bases solides pour permettre à tous les clubs, du niveau amateur à l’élite, de prospérer, tout en évoquant la possibilité d’apprendre des modèles américains, notamment en matière de gestion salariale et de relations avec les joueurs.
Perspectives futures : le retour du ’39e match’ ?
Les ligues américaines jouent régulièrement des matchs de saison régulière à l’étranger, notamment en Europe ou en Asie. La possibilité pour la Premier League de suivre cette tendance inquiète certains fans, surtout si des propriétaires américains cherchent à organiser des rencontres dans des villes comme New York, Los Angeles ou Rio de Janeiro. La relance du concept de ’39e match’, abandonné en 2008 après une forte opposition, pourrait devenir une réalité si la pression monte.
Pour l’instant, la Premier League a affirmé qu’il n’y avait pas de projet en ce sens, mais la volonté de certains propriétaires américains de maximiser les revenus internationaux reste palpable. La question de la diffusion télévisée en direct des matches du samedi à 15h, actuellement protégée par un blackout, pourrait également évoluer dans les années à venir.











