Ligue des champions 2024-2025 - inégalités économiques et hiérarchies figées

Ligue des champions 2024-2025 : inégalités économiques et hiérarchies figées

La réforme de la Ligue des champions 2024-2025 ne change pas les inégalités économiques entre clubs et la hiérarchie sportive en Europe.

France, Italie, Angleterre, Pays-Bas, Belgique

La finale de la Ligue des champions 2024-2025 soulève une question récurrente : assiste-t-on à une redistribution des forces dans la compétition européenne phare ? Le Paris Saint-Germain (PSG) a atteint ce niveau suprême une seule fois, en 2020, dans des conditions exceptionnelles liées à la pandémie de Covid-19 et à une formule « Final 8 » avec des matchs à élimination directe dès les quarts de finale.

L’Inter Milan, finaliste malheureux en 2023 face à Manchester City, reste un outsider relatif, avec un seul sacre en 2010 depuis ses titres historiques des années 1960. Selon les valeurs de leurs effectifs, Paris et l’Inter occupent respectivement les 6e et 11e places mondiales, tandis que leurs revenus pour la saison 2023-2024 les classent au 3e et 13e rangs. Cette hiérarchie financière et sportive confirme l’écart avec des éditions comme celle de 2004, où des clubs comme le FC Porto et l’AS Monaco, moins ancrés dans l’élite, avaient atteint la finale.

Cette saison, la phase à élimination directe reste dominée par les clubs des cinq grands championnats européens, malgré l’élimination prématurée de ténors comme Manchester City, la Juventus et l’AC Milan. Les performances remarquables de clubs tels que Feyenoord Rotterdam, PSV Eindhoven ou Club Bruges ne leur ont pas permis de dépasser les huitièmes de finale, à l’instar d’Aston Villa, qui figure pourtant parmi les vingt clubs les plus riches. De même, Lille et Leverkusen, bien classés lors de la phase de groupes, n’ont pas réussi à se hisser plus loin.

Des fans du PSG, à l’occasion du match contre Arsenal, à Londres, le 29 avril 2025.

Primes à la richesse et répartition des revenus

Les clubs majeurs qui déçoivent en Ligue des champions subissent peu de pénalités financières grâce à la répartition des revenus. Bien que le système du « Market Pool » ait été révisé pour réduire ses inégalités, il demeure présent sous la forme du « pilier valeur », qui représente 35 % des sommes distribuées.

Ce Market Pool dépend des droits payés par les diffuseurs dans chaque pays, sans lien direct avec les performances sportives. Ainsi, l’UEFA favorise financièrement les clubs issus des pays les plus riches, créant une prime à la richesse. L’autre composante du « pilier valeur » repose sur une formule complexe mêlant les coefficients UEFA des clubs sur cinq et dix ans, ce qui avantage la régularité des gros clubs tout en minimisant les exploits des clubs plus modestes.

Pour la saison 2024-2025, Manchester City, éliminé dès les barrages, percevra 76,2 millions d’euros, soit 4,8 millions de plus que Benfica, 10,9 millions de plus que le PSV, 11,4 millions de plus que Feyenoord, et 15,3 millions de plus que le Club Bruges, tous qualifiés pour les huitièmes de finale. Cette prime aux grands marchés profite également à Leipzig (non qualifié pour la phase finale) et à la Juventus (éliminée en barrage).

Match de la Ligue des champions

Des outsiders confinés à leur rôle

La logique sportive est toutefois mieux respectée qu’auparavant, la prime à la puissance financière étant moins importante que sous l’ancien système où le Market Pool représentait 45 % des revenus, générant d’énormes écarts. Pour les clubs dominants, le changement reste marginal, car la dynamique inégalitaire, devenue structurelle, perdure.

En 2019, l’Ajax Amsterdam semblait illustrer qu’un club misant sur la formation et un projet sportif solide pouvait rivaliser avec les géants. Pourtant, ce club historique, quadruple vainqueur en 1995, est devenu un « relégué économique » face à la croissance du football européen. Les clubs néerlandais, belges, écossais et portugais, issus de marchés plus modestes, ne peuvent suivre la course aux armements financiers.

Privé de ses meilleurs joueurs, l’Ajax n’a plus dépassé la phase de groupes dans les éditions suivantes et n’a atteint les huitièmes de finale qu’une seule fois récemment. À l’image de l’Atalanta Bergame, du RB Leipzig ou de Villarreal, tous demi-finalistes ces dernières années, les outsiders sont contraints de se cantonner à leur rôle, principalement axé sur la formation et la valorisation des joueurs, dont les meilleurs sont ensuite recrutés par les superclubs.

La Ligue des champions, une première division européenne

Les inégalités de revenus au sein de la Ligue des champions, élargie à 36 équipes cette saison, sont accentuées par le fossé avec les deux autres compétitions européennes, qui disposent de budgets bien plus faibles : la Ligue des champions génère 4,3 fois plus que la Ligue Europa et 8,7 fois plus que la Ligue Europa Conférence.

Les finalistes de la Ligue Europa, Manchester United et Tottenham, perçoivent chacun environ 36 millions d’euros, ce qui les place seulement au 30e rang toutes compétitions confondues. La quasi-totalité des participants aux compétitions secondaires se situent derrière les clubs les moins bien dotés de la Ligue des champions.

Graphique des versements financiers en Ligue des champions

Autrefois, les trois coupes d’Europe affichaient une hiérarchie de prestige moins marquée. Aujourd’hui, l’UEFA a clairement instauré une forte hiérarchisation économique et sportive entre ses trois « ligues », qui fonctionnent implicitement comme des divisions distinctes. Sans système de promotion-relégation, elles maintiennent une séparation renforcée par des dotations très inégales, accentuant les écarts plutôt que de les réduire.

Des inégalités à toutes les échelles

La Ligue des champions amplifie aussi les disparités au sein des championnats nationaux, un phénomène particulièrement visible en France. Cette saison, Lille devrait recevoir plus de 75 millions d’euros, Monaco près de 60 millions. Le petit club breton Brest, grâce à sa qualification et son parcours, va toucher près de 52 millions d’euros, un montant supérieur à son budget annuel, une bouffée d’oxygène dans un contexte difficile pour le football professionnel français.

Historique des versements en Ligue 1 liés à la Ligue des champions

À l’inverse, l’Olympique lyonnais, éliminé, se retrouve dans une situation financière encore plus fragile. Ce déséquilibre interroge sur les conséquences d’une telle dépendance à la qualification, alors que la France compte plus de clubs capables de jouer à ce niveau que de places disponibles.

Le football français a lui-même adopté cette logique inégalitaire, notamment dans la répartition du milliard et demi d’euros apporté par CVC Capital Partners, actionnaire de la société commerciale créée par la Ligue, ainsi que dans la distribution des 120 millions d’euros de droits internationaux réservés aux clubs « européens ».

Répartition des droits TV en Ligue 1 avec CVC Capital Partners

Pour les droits domestiques de la Ligue 1, le ratio entre les revenus du club le mieux payé et du plus mal loti est de trois, contre 1,5 en Premier League anglaise. En France comme en Europe, la richesse se concentre donc davantage chez les plus puissants, sans réelle volonté de rééquilibrage. Cette tendance contraste avec les principes mutualistes qui assurent un équilibre compétitif dans les ligues nord-américaines.

Enfin, la nouvelle Coupe du monde des clubs organisée par la FIFA distribuera un montant record proche d’un milliard d’euros aux 32 équipes participantes, dont 12 européennes telles que le PSG, l’Inter, la Juventus, Manchester City, Chelsea, le Bayern Munich et le Real Madrid. Le vainqueur pourra empocher jusqu’à 115 millions d’euros, renforçant encore les écarts financiers et sportifs.

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source:https://www.lemonde.fr/une-balle-dans-le-pied/article/2025/05/22/ligue-des-champions-nouvelle-formule-anciennes-recettes_6607751_6606027.html

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