Ligue 1 : la préparation mentale des arbitres face à la pression

Ligue 1 : la préparation mentale des arbitres face à la pression

En 2025, la Ligue 1 investit dans la préparation mentale des arbitres pour mieux gérer la pression et améliorer la performance.

France

En 2025, la Ligue 1 franchit une étape importante dans l’accompagnement des arbitres de l’élite. Une psychologue clinicienne spécialisée dans le sport et préparatrice mentale, Isabelle Graff, propose un soutien sur la base du volontariat et voit son rôle évoluer vers un dispositif à temps plein pour certains officiels.

Portrait d'une psychologue et préparatrice mentale
Isabelle Graff, psychologue et préparatrice mentale des arbitres à temps plein

Selon Amaury Delerue, responsable des arbitres de Ligue 1, l’Europe accuse un retard conséquent en matière d’accompagnement mental — environ trente ans par rapport aux pays anglo-saxons — et la France accuse un retard d’environ dix ans par rapport à ses voisins. Si les arbitres “n’attendaient pas forcément la psychologue pour s’entraîner”, la profession cherche désormais à s’appuyer sur une expertise renforcée, Graff étant recrutée à temps plein pour structurer cet accompagnement.

La psychologue participe à chaque stage collectif des arbitres, avec des séances obligatoires qui s’apparentent à de la préparation mentale. Elle peut également les recevoir individuellement, sur la base du volontariat, dans une dimension plus psychologique. « La frontière entre ces deux domaines n’est pas toujours nette », précise-t-elle. « En préparation mentale, on vise l’optimisation de la performance; en psychologie, on peut accompagner des arbitres ayant subi des agressions ou des traumatismes, ou ceux qui souhaitent aborder des aspects personnels, notamment car ils se déplacent fréquemment et ne sont pas souvent chez eux. »

Isabelle Graff est psychologue et préparatrice mentale des arbitres de la Fédération française de football à temps plein.
Isabelle Graff, à la rencontre des arbitres

Pour Benoît Bastien, arbitre de Ligue 1 depuis 2011 et diplômé en préparation mentale, l’initiative est judicieuse et utile. Il rappelle que l’activité arbitrale repose sur la prise de décision, la gestion de la pression, le contrôle des émotions et la communication, tant verbale que non verbale. Malgré des routines personnelles existantes, la présence d’Isabelle Graff pousse les arbitres à interroger leurs pratiques et à enrichir leur boite à outils pour répondre aux problématiques propres à chaque profil.

Au démarrage, peu d’arbitres se sont engagés; huit mois plus tard, près de 40 % des arbitres centraux de Ligue 1 acceptent un suivi régulier. L’un d’entre eux confie ressentir un bénéfice concret. Graff a aussi pris l’initiative de contacter des arbitres particulièrement chahutés, comme Benoît Millot, lorsque ce dernier avait été pris à partie par un entraîneur lors d’un match la saison précédente.

Anticipation du regard et gestion de la concentration

La pression entourant les arbitres a crû ces dernières années, avec un afflux croissant de critiques publiques et de micro-tensions autour de chaque décision. « La pression a toujours existé, mais elle est aujourd’hui davantage orchestrée et médiatisée », observe Amaury Delerue. « Certains évoquent clairement que les arbitres deviennent une cible et portent la responsabilité d’un match, même lorsque l’analyse est complexe. » Bastien ajoute qu’anticiper le fait d’être dans le viseur est une réalité, et qu’il faut apprendre à la gérer pour limiter son impact.

Pour les rencontres particulièrement exposées, comme le duel Lyon-Marseille qui approche, la préparation avant le coup d’envoi est cruciale: anticiper les réactions médiatiques, gérer l’attention autour du match et préparer l’après-match afin d’être moins affecté par le contexte médiatique. Bastien, qui officiait ou pourrait officier lors du prochain Monaco-Strasbourg, insiste sur une préparation mentale adaptée à l’intensité et au niveau de couverture médiatique propres à ces affiches.

Isabelle Graff insiste sur le travail du focus attentionnel: apprendre à rester dans une « bulle » qui permet de ne pas être déstabilisé par le public. Le cerveau est capable de filtrer les informations pertinentes (par exemple les échanges avec les capitaines ou les indications de l’oreillette) et d’écarter ce qui n’apporte pas de valeur à la prise de décision.

La gestion de l’erreur et la transparence

Parmi les sujets privilégies lors des entretiens, la gestion de l’erreur occupe une place centrale. En temps réel, un doute peut persister et il faut avancer vers la décision suivante sans s’enliser dans une analyse interminable. La DTA œuvre aussi pour désacraliser la relation à la VAR, afin d’en faire un outil d’appui et non une source unique de sanction.

Pour Bastien, la douleur liée à l’injustice peut être forte lorsque l’on est l’arbitre responsable d’une décision jugée erronée. Il rappelle toutefois que l’objectif n’est pas d’épargner les arbitres, mais de reconnaître et d’assumer ses erreurs avec professionnalisme. Le contexte médiatique peut être rude, mais la transparence et la mise en place d’un arbitrage plus clair permettent, à terme, de réduire les critiques.

Graff et Delerue estiment que la profession gagne en crédibilité lorsque les erreurs sont expliquées et assumées publiquement. Le travail de préparation mentale et d’accompagnement psychologique vise à rendre les arbitres plus résilients face à l’exigence du haut niveau et au regard permanent du public.

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