Le week-end dernier en Caroline du Nord, les fans du basket-ball ont vibré au rythme du comeback spectaculaire des Houston Cougars face à Duke lors du Final Four. Mais au-delà de l’excitation sportive, un sentiment de fierté bien plus profond traversait la communauté de Pembroke, enclave de la tribu Lumbee, à deux heures au sud de Tobacco Road.
Kelvin Sampson, une fierté Lumbee ancrée dans ses racines
À Pembroke, petite ville de 2 832 habitants, on encourage avec ferveur le coach des Houston Cougars, Kelvin Sampson, figure emblématique et héros local de la tribu Lumbee. John Lowery, président de la tribu, explique avec émotion : « Il ne porte pas seulement son nom et celui de sa famille. Il porte le nom de notre tribu, de tous les peuples natifs des États-Unis. »
Le coach a mené son équipe jusqu’à la finale nationale contre Florida, un match très attendu lundi soir sur CBS. Pendant que Kelvin Sampson évolue au sommet d’une carrière longue de plusieurs décennies, la tribu Lumbee se rapproche elle aussi d’un sommet historique dans sa quête de reconnaissance fédérale complète.
La reconnaissance fédérale : un combat générationnel
Un mémo signé de la Maison-Blanche le 23 janvier dernier a demandé au Secrétaire à l’Intérieur de proposer un plan d’aide législative pour aider la tribu Lumbee à obtenir enfin la pleine reconnaissance fédérale. Cette étape intervient après des décennies de lutte depuis l’adoption du Lumbee Act en 1956, qui reconnaissait leur identité mais refusait l’accès complet aux bénéfices fédéraux.
Robert Williams, membre de la tribu Lumbee et spécialiste en droit des peuples autochtones, souligne l’importance de cette visibilité : « Pour la première fois, le grand public découvre l’histoire des Lumbee. Voir un homme comme Kelvin au sommet du basket universitaire donnera envie à beaucoup d’en apprendre plus. »
Un parcours façonné par la culture Lumbee
Kelvin Sampson est un produit de l’université UNC-Pembroke, fondée pour éduquer la communauté Lumbee. Il y a pratiqué le basketball et le baseball avant d’entamer sa carrière d’entraîneur à Michigan State. Sa trajectoire l’a conduit à accumuler près de 800 victoires en tant que coach principal, passant par Montana Tech, Washington State, Oklahoma, Indiana, puis Houston.
Malgré sa renommée, Sampson reste profondément attaché à son territoire et à sa culture. Son épouse Karen siège au conseil d’administration d’UNC-Pembroke, et Kelvin a récemment été honoré par l’université pour son rôle de mentor et son engagement envers sa communauté.
La légende familiale et communautaire
Kelvin est le fils de John « Ned » Sampson, une légende locale à la fois enseignant et entraîneur à Robeson County, connu notamment pour avoir affronté le Ku Klux Klan en 1958 lors de la Bataille de Hayes Pond. Ned est décédé en 2014 à l’âge de 84 ans, mais son héritage perdure, notamment à travers son fils.
John Lowery rappelle : « Dans les années 50, 60 et 70, des hommes comme Ned étaient des modèles pour nos jeunes. Sa disparition a laissé un vide, mais son esprit vit dans Kelvin. » Lors du match contre East Carolina en 2023, plus de 100 habitants de Robeson County ont fait le déplacement pour soutenir le coach.
Un modèle pour les communautés autochtones
Malgré une sanction NCAA pour violations en recrutement alors qu’il entraînait Indiana, sanction qui semblait à posteriori mineure, Sampson a su se relever et faire de Houston une puissance montante du basket universitaire américain. Cette résilience illustre parfaitement l’esprit « Lumbee », selon Robert Williams : « On tombe mais on se relève plus fort. »
Pour John Lowery, Kelvin Sampson est un véritable pionnier : « Nous sommes des minorités parmi les minorités, souvent invisibles. Qu’un Lumbee devienne un entraîneur Division I reconnu, c’est extraordinaire. »
Une inspiration au-delà du sport
Alors que Houston s’apprête à disputer une finale historique, la communauté Lumbee célèbre déjà le parcours exceptionnel d’un de ses fils. Lowery conclut avec émotion : « Kelvin est l’Histoire vivante. Voir un homme issu de notre petit comté, formé dans notre université, réussir à ce niveau-là, c’est remarquable. J’espère que, quand il regardera en arrière à la fin de sa carrière, il saura qu’il a ouvert la voie à d’autres natifs issus de nos communautés tribales. »









