À Twickenham, l’élite du rugby féminin anglais est sur le point de disputer la finale de la Coupe du Monde, un moment qui met en lumière des joueuses capables de concilier sport de haut niveau et engagements professionnels. Amy Cokayne, talonneur de l’équipe d’Angleterre, fait partie des rares joueuses à exercer un métier à temps plein en parallèle du rugby depuis l’instauration du professionnalisme il y a six ans. Âgée de 29 ans, elle disputera ce samedi sa troisième finale du Mondial et poursuit sa carrière dans la RAF. Grâce au Elite Athlete Scheme, elle peut se consacrer à son rêve de remporter le trophée mondial tout en conservant sa fonction militaire en arrière-plan. Ce week-end, le lieutenant de vol cherchera à contenir le pack canadien à Twickenham, avant de retourner à son rôle d’officier pour veiller sur les pilotes.

Le paysage a profondément évolué depuis 2014, année où l’Angleterre a remporter la Coupe du Mondial alors que l’équipe était encore largement professionnelle. Alors que l’équipe gagnante d’alors mêlait amateurisme et sacrifice personnel, le leadership était assuré par des joueuses qui avaient des vies professionnelles à côté du rugby. La capitaine Katy Daley-McLean enseignait dans une école primaire de Sunderland et la vice-capitaine Sarah Hunter travaillait dans le développement du rugby universitaire pour la RFU. Dans cette même équipe victorieuse, Marlie Packer, troisième ligne arrière expérimentée, est revenue travailler comme plombier après le sacre, ayant dû prendre sept semaines de congé sans solde pour préparer et disputer la Coupe du Monde.

À l’époque, les clients surpris d’entendre parler d’un trophée et de la médaille s’émerveillaient en la voyant pendant les interventions quotidiennes. Avec le temps, le rugby féminin anglais a consolidé son statut professionnel et les joueuses ont ainsi pu combiner sans compromis les deux volets de leur vie. Front-row solide, Lark Atkin-Davies était enseignante avant de devenir joueuse professionnelle et elle se souvient d’un parcours loin d’être linéaire. Elle affirme que le passage au statut professionnel, sur les six dernières années, l’a comblée et lui a permis d’aimer pleinement sa vocation, tout en conservant les souvenirs de sa première profession et les échanges avec les enfants qui regardent les matchs.

« J’adorais enseigner », se remémore-t-elle, et elle précise que le rugby lui a offert une carrière qui s’inscrit dans la durée, tout en permettant d’entretenir des liens avec les enfants qui suivent les matchs. En parallèle du développement du rugby féminin en Angleterre, le pays demeure l’une des rares nations à disposer d’un niveau professionnel soutenu, ce qui contribue à les placer en tête du classement mondial et favorites pour la finale. Le Canada, bien que numéro deux mondial et engagé dans des ligues professionnelles en Angleterre, a lancé une collecte de fonds pour accroître ses chances face aux grandes nations.

Autre élément marquant, Meg Jones, qui a porté le maillot anglais lors des Coupes du Monde et des Jeux Olympiques, a dû trouver un autre moyen de travailler pendant le confinement lié à la pandémie. Elle avait envisagé devenir livreuse Amazon, après avoir connu les difficultés économiques liées à la crise sanitaire et à l’absence de compétitions. Sa vitesse, sa puissance et son sens du timing l’ont aidée à rester parmi les meilleures, même lorsque le monde du sport était à l’arrêt. Lors du confinement, d’instants difficiles pour tous, elle a dû envisager ce changement avant que le rugby ne reprenne et ne permette de revenir à une carrière sportive à plein temps.

Une autre joueuse, Hannah Botterman, a également connu une voie différente avant d’atteindre le rugby à plein temps. Elle évoque l’idée d’être peintre-décoratrice et d’avoir mené une vie de travailleur polyvalent avant de recevoir une offre professionnelle qui a tout changé, amorçant une carrière qui dure aujourd’hui sur le long terme. Le rugby féminin anglais, en plein essor, témoigne de cette transformation et de la volonté des joueuses de concilier vies personnelles et ambitieuses, sur et en dehors du terrain.
Samedi, Meg Jones et ses coéquipières viseront à offrir à l’Angleterre son premier titre mondial sur le sol britannique. Elles savent tout ce qu’elles ont dû sacrifier et tout ce qu’elles ont construit pour en arriver là, sur le terrain comme en dehors, et elles croient en leur capacité à écrire une nouvelle page de l’histoire du rugby féminin anglais.









