Dans le paysage du football mondial, la rivalité entre la FIFA, l’organisme mondial, et l’UEFA, son homologue européen, connaît une escalade marquée. Une anecdote récente sur les primes liées à la prochaine Coupe du Monde des Clubs organisée par la FIFA illustre bien cette tension persistante, voire conflictuelle, entre ces deux puissances du football.
Une bataille financière autour de la Coupe du Monde des Clubs
Gianni Infantino, président de la FIFA, considère la Coupe du Monde des Clubs étendue à 32 équipes, qui se tiendra aux États-Unis, comme le « trophée le plus convoité » du football de clubs. Sa volonté est d’offrir une récompense financière supérieure à celle de la Ligue des Champions de l’UEFA pour attirer l’attention globale.
Selon des données communiquées par la FIFA, le club vainqueur pourrait toucher jusqu’à 117 millions d’euros, un montant toutefois inférieur aux 144 millions d’euros récemment gagnés par le Real Madrid en remportant la Ligue des Champions 2024. Cette comparaison souligne l’intensité de la lutte pour le contrôle économique et politique du football entre FIFA et UEFA.
Une relation tendue illustrée par un récent incident diplomatique
La tension s’est de nouveau manifestée au congrès de la FIFA à Asuncion, Paraguay, où les huit membres européens du conseil de la FIFA, sous la direction d’Aleksander Ceferin, président de l’UEFA, ont quitté la réunion prématurément. Ils reprochaient à Infantino de privilégier ses rencontres politiques privées, notamment avec le président américain Donald Trump, au Qatar et en Arabie Saoudite.
Cette situation a conduit à un retard de trois heures au démarrage du congrès, ce qu’UEFA a critiqué comme une « perturbation du calendrier pour des intérêts politiques privés ». Malgré un ton plus apaisé dans leurs déclarations ultérieures, ce couac traduit un malaise profond.
Un cadre du football européen a même évoqué un possible « tournant » dans ce qu’il qualifie de « trêve fragile » entre les deux institutions, annonçant que l’insatisfaction pourrait s’intensifier à l’encontre d’Infantino.
Un jeu d’influence entre Europe et mondialisation du football
Longtemps centré sur l’organisation des Coupes du Monde, la FIFA cherche désormais à s’imposer davantage sur le plan des compétitions de clubs, jadis territoire quasi exclusivement européen. L’UEFA reste financièrement dominante, générant plus du double des revenus annuels de la FIFA, notamment grâce à la Ligue des Champions et au Championnat d’Europe des Nations.
Pour la période 2023-2026, avec la Coupe du Monde Nord-Américaine en point d’orgue, la FIFA prévoit un chiffre d’affaires de 12,4 milliards d’euros, tandis que l’UEFA a déjà engrangé 6,8 milliards d’euros en 2023-2024. Le football européen domine aussi sportivement avec 16 des 17 dernières finales de la Coupe du Monde des Clubs remportées par des équipes européennes.
Une vision mondialiste contre un bastion européen
Infantino milite pour une globalisation accrue du sport, illustrée par l’expansion à 48 équipes des Coupes du Monde féminine et masculine, visant à redistribuer les revenus pour développer le football dans toutes les régions membres de la FIFA.
Avec l’élargissement du modèle FIFA au monde des clubs, il cherche à réduire la dépendance aux revenus générés par la Coupe du Monde masculine, tout en dénonçant l’hégémonie d’un petit nombre de grandes puissances européennes.
Il déclare en 2022 : « Il faut réduire l’écart, pas en freinant les grands clubs européens, mais en développant aussi le reste du monde pour un football plus compétitif. »
Cependant, à l’intérieur de l’UEFA, cette stratégie est souvent perçue comme une manœuvre financière et politique menaçant les intérêts européens.
Les frictions historiques et les alliances internationales
Les relations entre Infantino et Ceferin sont marquées par plusieurs épisodes d’hostilité, notamment en 2018 lors d’un projet avorté d’accord avec SoftBank, visant à créer de nouvelles compétitions mondiales dominées par FIFA, menaçant la Ligue des Champions.
Dans ce contexte, UEFA s’est opposée à la proposition d’une Coupe du Monde tous les deux ans, soutenue officieusement par FIFA. Ceferin a alors annoncé un boycott européen, avec le soutien du CONMEBOL, alliance renforcée en créant un espace commun à Londres, et organisant la Finalissima entre champions d’Europe et d’Amérique du Sud.
Néanmoins, la coopération entre l’UEFA et le CONMEBOL tend actuellement à s’essouffler, notamment à cause des rapprochements de CONMEBOL avec FIFA.
Les défis futurs entre rivalités et complémentarités
Les récentes apparitions publiques des dirigeants de FIFA et UEFA reflètent des tensions sous-jacentes : Infantino critique le calendrier masculin, ce à quoi Ceferin répond en rappelant que personne ne doit se croire la « star du spectacle ».
Les révélations navrantes autour de la Super Ligue européenne en 2021 ont aussi ravivé les soupçons d’une alliance entre FIFA et certains clubs, contestée par l’UEFA.
De faits, lors du congrès FIFA au Paraguay, le départ anticipé et collectif des représentants européens a révélé la profondeur des divergences sur la stratégie future du football mondial.
Une Coupe du Monde des Clubs à l’image de la domination européenne
En voulant investir davantage le football de clubs, la FIFA reproduit en partie la structure inégalitaire qu’elle critique. Dans la Coupe du Monde des Clubs à venir :
- Les clubs européens recevront entre 11,9 et 30,6 millions d’euros de participation ;
- Les clubs sud-américains percevront jusqu’à 14,2 millions d’euros ;
- Les équipes d’Amérique du Nord, d’Asie et d’Afrique toucheront environ 9 millions d’euros ;
- Les clubs d’Océanie recevront environ 3,4 millions d’euros.
La majeure partie des primes devrait revenir à des clubs européens grâce à leurs ressources financières supérieures, ce qui pourrait renforcer leur suprématie dans le sport.
Les ambitions d’Infantino pour un football globalisé
Lors du congrès d’Asuncion, Infantino a souligné que le potentiel de croissance du football réside en dehors de l’Europe. Il estime qu’avec un investissement modeste surtout saoudien et américain, le produit intérieur brut mondial du football pourrait passer de 270 milliards à un demi-billion d’euros par an.
Cette vision attire de nombreux acteurs, mais attise aussi rivalités et méfiances entre les différentes institutions. La guerre pour le contrôle du football mondial continue d’orienter les décisions et les postures des géants du sport.














