Fermeture des piscines municipales en France : crise de personnel et sécurité
Alors que l’été bat son plein et que la chaleur incite à la baignade, plusieurs piscines municipales françaises se retrouvent contraintes de fermer leurs portes en raison d’une pénurie alarmante de maîtres-nageurs sauveteurs. La situation, déjà critique depuis plusieurs années, s’aggrave cette année, laissant de nombreux habitants sans accès à des espaces de baignade sécurisés, notamment dans des zones rurales ou moins peuplées.
Une crise du recrutement qui perdure
À Lanrelas, dans les Côtes-d’Armor, la célèbre piscine municipale, équipée d’un bassin de 25 mètres et d’un solarium, accueille habituellement plus de 850 résidents chaque été. Cependant, cette année, malgré la canicule, l’établissement reste fermé. Le maire, Yves Lemoine, explique qu’il n’a pas réussi à recruter de maître-nageur disponible pour assurer la sécurité du bassin. « Cela fait deux ou trois ans que nous redoutons cette situation. C’est une véritable galère », confie-t-il, déçu. En 2023, un jeune du coin, sortant de l’armée, a accepté de passer son Brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique (BNSSA) en urgence pour permettre l’ouverture de la piscine. Mais cette année, il a préféré profiter d’un repos bien mérité après avoir sacrifié deux années consécutives de vacances pour assurer la sécurité des nageurs.
Malgré des efforts considérables pour recruter, notamment en diffusant des offres d’emploi dans les facultés de Rennes, auprès des écoles de sport ou via la Fédération de natation, les résultats restent décevants. Selon les syndicats, la pénurie de maîtres-nageurs sauveteurs est devenue critique : il manquerait actuellement plus de 5 000 professionnels pour couvrir la demande croissante des collectivités locales.
Une hausse préoccupante des noyades
Ce déficit en personnel survient dans un contexte où la France connaît une augmentation inquiétante des noyades. Selon Santé publique France, 109 personnes ont perdu la vie par noyade depuis le début du mois de juin, soit une hausse de 58 % par rapport à la même période l’année précédente. Le nombre de noyades non mortelles, qui s’élève à environ 400, a également doublé en un an. La majorité de ces accidents se produisent dans des eaux non surveillées, notamment lors de fortes chaleurs, qui accentuent les risques liés à la baignade. Les adolescents sont particulièrement concernés, souvent dans des cours d’eau ou des plans d’eau sauvages, où l’absence de surveillance augmente considérablement le danger.
Face à cette situation, le Syndicat des maîtres nageurs sauveteurs (SMNS) réclame la mise en place urgente d’un plan de formation renforcé pour ces professionnels, ainsi qu’un véritable service public gratuit dédié à l’apprentissage de la natation. Bien qu’un décret de 2023 autorise désormais les titulaires du BNSSA à exercer en autonomie, la pénurie de personnel qualifié ne cesse de s’aggraver, alimentée par le départ à la retraite, des salaires peu attractifs, des horaires décalés et la concurrence du secteur privé, notamment dans les grands parcs aquatiques où les rémunérations peuvent atteindre jusqu’à 3 000 euros nets par mois.
Des difficultés croissantes pour les gestionnaires de piscines
Partout en France, la situation devient critique. À Sélestat, dans le Bas-Rhin, la fermeture de quatre bassins a été nécessaire lors du week-end du 14 juillet, suite à l’absence de maîtres-nageurs disponibles, en raison notamment de congés maladie. La concurrence avec l’Allemagne, où les salaires et le statut sont plus avantageux, complique encore la tâche des gestionnaires locaux. Pour attirer du personnel, certaines communes ont tenté d’améliorer les conditions : augmentation des salaires, primes, logement municipal ou prise en charge des formations BNSSA. À Lanrelas, la mairie propose même de financer entièrement la formation et de loger gratuitement les futurs maîtres-nageurs, mais ces initiatives peinent à répondre à la demande.
Dans d’autres régions, comme dans l’Ain ou en Côte d’Or, les collectivités tentent de fidéliser leurs personnels en proposant des aides au logement ou des primes supplémentaires, mais la compétition avec le privé reste rude. La fermeture de piscines durant la saison estivale, comme celle de Vitteaux, en Côte d’Or, en est une triste illustration : un seul maître-nageur blessé a suffi à interrompre toutes les activités pendant deux semaines, faute de remplaçant.
Ce contexte tendu a des conséquences directes sur la sécurité et l’accès à la baignade. Les habitants se tournent vers les étangs ou la côte, souvent sans surveillance, ce qui accroît encore le risque d’accidents. La pénurie de maîtres-nageurs sauveteurs demeure un défi majeur pour la sécurité publique, nécessitant des mesures urgentes pour former et retenir ces professionnels essentiels à la prévention des noyades en France.








