Écoles et foot : le casse-tête des profs pour motiver les futures stars

Écoles et foot : le casse-tête des profs pour motiver les futures stars

Entre terrain et bancs, les jeunes talents tentent de concilier sport et études; les enseignants accompagnent ce double projet pour sécuriser l’avenir scolaire et sportif.

France

École et football se croisent dans le parcours de nombreux jeunes talents. Ibrahima Konaté, Manu Koné, Alice Sombath… la liste est longue et les responsables éducatifs se souviennent surtout d’un élève en particulier. Adam Sahraoui, qui pilotait la section sportive du collège Jean-Perrin (XXe) lié au Paris FC entre 2009 et 2017, évoque des centaines d’élèves mais retient Seko Fofana, rencontré en 4e. Même s’il faisait parfois exhiber son côté perturbateur en classe, son sérieux à l’entraînement était notable et il montrait très tôt qu’il visait le football au-delà des bancs. Le cas de ce demi-finaliste s’inscrit dans une double dynamique: l’élève et le sportif, avec des tensions et des exigences qui pèsent sur l’enseignant.

Un autre exemple, celui d’Ayyoub Bouaddi, est utilisé pour illustrer ce double projet. Brillant sur le terrain comme à l’école, il a décroché son bac S avec mention très bien à l’été 2024 et poursuit une licence de mathématiques. Son parcours a commencé loin des étoiles: lancé chez les professionnels lors d’un déplacement du LOSC à Klaksvik en Ligue Conférence, le 5 octobre 2023, il est revenu au lycée le même week-end, à 16 ans et 4 jours. Cette trajectoire montre que la réussite sportive ne condamne pas à l’abandon scolaire, mais exige une organisation solide et une adaptation constante.

Cette initiative reste difficile à pérenniser: “c’est aussi parce que beaucoup ne sont pas intéressés”, résume Renaud Federspil, professeur de mathématiques en terminale STMG à l’époque où Warren Zaïre-Emery évoluait, expliquant qu’il privilégiait des mises en situation et des exemples concrets comme la gestion financière pour capter l’attention des jeunes. L’objectif affiché est simple: aller à l’essentiel et établir une base scolaire solide, tout en rappelant que le bac peut être déterminant pour leur avenir professionnel.

La différence est aussi dans l’emploi du temps. Stéphanie Cormier, professeure de mathématiques à la cité éducative du PSG, rappelle qu’il y a moins d’heures de cours qu’avec un système classique. Elle insiste sur des fiches de synthèse et une approche axée sur l’essentiel, tout en martelant l’importance du baccalauréat: “parfois, ils n’ont pas conscience qu’obtenir le bac est très important pour eux.”

Pour certains jeunes, le football peut servir de carotte ou même de sanction. Des situations extrêmes existent, et les responsables peuvent orienter les élèves vers les personnes pertinentes pour régler les équilibres entre performance sportive et assiduité scolaire. Pour les éducateurs, l’objectif n’est pas seulement de nourrir le talent sur le terrain, mais aussi de stabiliser le parcours scolaire afin d’offrir une vraie perspective, même si la carrière sportive tarde ou ne se concrétise pas.

Dans le monde du football, les chiffres parlent d’eux-mêmes: 82 % d’entre eux ne signeront pas de contrats professionnels. Cette réalité pousse les clubs et les centres à privilégier des parcours scolaires plus variés, souvent technologiques ou professionnels (STMG), afin de sécuriser l’avenir des jeunes malgré le doute sur le long terme. Bernard Turpin, ancien responsable de la section sportive au lycée Joseph Fourier à Auxerre, rappelle des trajectoires où les choix professionnels ont parfois précédé les études. La scolarité reste néanmoins une valeur essentielle et les clubs s’attachent à ce que les jeunes n’abandonnent pas tout en poursuivant leur formation.

À l’échelle du centre de formation, certains clubs privilégient un encadrement resserré, avec des petits groupes et un éloignement relatif des déplacements constants. Le but est d’assurer une continuité scolaire tout en avançant sur le plan sportif. L’exemple d’Auxerre montre que les joueurs passent par des stages en entreprise et que l’ouverture sur le monde extérieur peut être limitée, même si cela peut être source de complication pour ceux qui souhaitent poursuivre des études supérieures dans des villes sans facs voisines. Pantxi Sirieix, dont la maman insistait sur l’obtention du bac, est rappelé comme référence du sérieux et de l’importance de la réussite scolaire dans le cadre d’un parcours footballistique.

À l’AJA, le savoir-faire n’a pas été perdu. Dans l’effectif de Christophe Pelissier, Kévin Danois, pur produit de la formation locale, se démarque: “un élève intéressé et déterminé”, selon Loïc Mauvière, son ancien professeur de français qui le considérait presque comme son assistant. Le milieu de 21 ans a décroché le bac général spécialité maths et SVT avec mention assez bien, incluant notamment un 19 à l’oral de français. Selon Alexandrine André, Danois a maintenu de bonnes notes dans d’autres matières, malgré les difficultés liées à la pandémie et aux confinements. L’équipe éducative s’est engagée à le soutenir, et il a su leur rendre confiance et obtenir son diplôme grâce à un travail soutenu.

Dans l’esprit de l’encadrement, Adam Sahraoui affirme que son rôle est de transmettre des valeurs et de proposer un cadre qui permette à l’élève de devenir un “passage de vie” et un “tremplin”. Il rappelle que, même si des joueurs comme Seko Fofana se souviennent de leur enseignant, les échanges restent dans l’optique d’un équilibre entre sport et scolarité, sans surréagir au caractère particulier de chacun. Pour lui, la réussite scolaire chez les footballeurs demande une implication continue et une communication claire avec les parents et les clubs afin d’éviter que le discours sur le succès sportif ne fasse oublier le bac et les diplômes essentiels.

(*) Originaire de Basse-Terre, Danois est arrivé de Guadeloupe à 15 ans

Ayyoub Bouaddi en pro puis retour au lycée
Ayyoub Bouaddi a débuté en pro le 5 octobre 2023 lors d’un déplacement du LOSC à Klaksvik, puis est revenu au lycée le week-end.

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