France
La bataille pour les droits de diffusion de la Ligue des champions pour 2027-2031 s’annonce tendue, et Canal+ pourrait sortir affaibli. Selon L’Équipe, l’UEFA a lancé le 13 octobre une consultation européenne dont les réponses sont attendues le 18 novembre. Cette procédure concerne les cinq marchés les plus importants du continent: l’Angleterre, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et la France, et elle marque un tournant dans la stratégie de commercialisation des compétitions européennes. Le point central se situe autour du « lot A », une catégorie taillée sur mesure pour les géants du numérique comme Amazon Prime Video, Netflix, YouTube ou Apple TV, et qui regroupe la meilleure affiche du mardi, la finale de la Ligue des champions, la Supercoupe d’Europe, mais aussi les résumés des autres rencontres et des extraits pour les réseaux sociaux.
Autrement dit, ce découpage inédit offre une longueur d’avance aux plateformes mondiales déjà rompues à l’exercice du streaming sportif. L’Équipe rappelle que l’UEFA espère séduire au moins un acteur mondial prêt à investir massivement pour ce lot premium. Amazon Prime Video apparaît comme le candidat le plus plausible: la plateforme détient déjà des droits de diffusion de la Ligue des champions au Royaume-Uni, en Allemagne et en Italie, et pourrait étendre son modèle à la France et à d’autres marchés. Alex Green, responsable des sports de Prime Video à l’international, a salué les résultats: « Nos clients adorent la Ligue des champions et nous avons obtenu des audiences incroyables ». En Angleterre, Prime Video a enregistré 13 millions de téléspectateurs cumulés lors de sa première saison, un record pour la plateforme. De tels chiffres illustrent la puissance d’attraction de ces acteurs mondialisés et leur capacité à rivaliser, voire à dépasser, les chaînes traditionnelles sur le terrain du sport premium.
Pour Canal+, la menace est directe. Le groupe dirigé par Maxime Saada verse actuellement 480 millions d’euros par an pour diffuser l’ensemble des compétitions européennes (Ligue des champions, Ligue Europa et Ligue Conférence) jusqu’en 2027. C’est son produit d’appel phare, au cœur de sa fidélisation et de sa communication. Si le lot A échappe à la chaîne cryptée, elle perdrait non seulement la meilleure affiche et la finale, mais aussi une partie de son image d’exclusivité du grand football européen en France. Le futur détenteur de ce lot, qu’il s’agisse d Amazon ou d’un autre géant du streaming, pourrait laisser entendre que toute la Ligue des champions est disponible sur sa plateforme, brouillant encore le message pour les abonnés. Ce scénario constituerait un coup dur pour Canal+, déjà confronté à la concurrence accrue de Prime Video, DAZN et BeIN Sports sur d’autres compétitions majeures.
Derrière cette recomposition du paysage audiovisuel se cache la nouvelle stratégie de commercialisation impulsée par Relevent, l’agence américaine qui remplace Team Marketing après 33 ans de partenariat avec l’UEFA. Sous pression des clubs européens, avides de revenus supplémentaires, l’instance vise des recettes records d’environ 5 milliards d’euros, contre 3,6 milliards actuellement. Mais cette ambition s’accompagne d’exigences financières particulièrement lourdes, notamment un paiement de 50 % des droits avant le début de la compétition et 50 % en milieu de saison. Un modèle risqué qui pourrait favoriser les acteurs disposant d’une trésorerie colossale, autrement dit les plateformes mondiales plutôt que les chaînes traditionnelles. Pour Canal+, cette nouvelle donne ressemble à un véritable saut dans l’inconnu. La chaîne, pilier historique du sport payant en France, voit poindre une ère où le football européen pourrait bien échapper durablement à son contrôle.
