Une équipe cycliste bretonne en grande difficulté financière
À l’approche du départ de son douzième Tour de France, prévu samedi prochain, l’équipe Arkéa-B&B, emblématique formation bretonne, se trouve dans une situation critique. En quête urgente de nouveaux sponsors, elle voit son avenir sportif et économique menacé, ce qui pourrait entraîner sa disparition si aucune solution n’est trouvée rapidement.
Une histoire riche mais une situation précaire
Créée il y a plus de 20 ans sous le nom de Bretagne-Jean Floc’h, l’équipe a évolué au fil des années pour atteindre le niveau WorldTeam en 2023, le sommet du cyclisme professionnel mondial. Au fil des ans, elle a vu passer des grands noms tels que Nacer Bouhanni, André Greipel, Warren Barguil ou encore la star colombienne Nairo Quintana, qui n’a laissé que peu de souvenirs positifs. Aujourd’hui, ce sont des coureurs comme Arnaud Démare ou Kévin Vauquelin, très prometteur, qui portent les couleurs de la formation française.
Malgré ses progrès, l’équipe doit faire face à une réalité économique difficile. Les deux principaux sponsors, le Crédit Mutuel Arkéa et la chaîne hôtelière bretonne B&B, ont annoncé leur retrait à la fin de la saison. Ce départ imminent pourrait entraîner la perte de près de 150 emplois, incluant le staff technique, la section féminine et les jeunes talents, mettant en péril l’existence même de l’équipe.
Les enjeux financiers et sportifs
Pour continuer à évoluer au plus haut niveau, Emmanuel Hubert, le manager général, indique que l’équipe aurait besoin d’un budget annuel compris entre 18 et 19 millions d’euros. À titre de comparaison, d’autres formations françaises disposent de budgets allant jusqu’à 30 millions, mais peinent à rivaliser avec des équipes soutenues par des mécènes étatiques comme UAE, Bahrain Victorious ou Astana, qui disposent de financements bien plus conséquents.
Le classement mondial de l’Union Cycliste Internationale reflète également ces disparités : la meilleure équipe française, Decathlon AG2R La Mondiale, se positionne en 11e place, alors que Arkéa-B&B pointe à la 19e. La compétition économique dans le cyclisme devient de plus en plus rude, avec une course aux financements qui ressemble à une véritable échappée sauvage.
Une course contre la montre pour sauver l’équipe
Le délai critique fixé par Emmanuel Hubert est le 31 décembre. Passé cette date, sans nouvelles signatures de partenaires, la survie de l’équipe sera compromise. La situation est d’autant plus tendue que, même avec un sponsor apportant quelques millions d’euros, il faut pouvoir assurer sa participation au Tour de France, ce qui n’est pas garanti en dehors du statut de WorldTeam.
Le manager évoque la possibilité de redescendre en division continentale, une solution qui permettrait de préserver l’effectif et certains emplois, mais qui serait une régression sportive importante. Son objectif reste de continuer à évoluer au plus haut niveau, malgré les défis financiers.
Les salariés et la passion au cœur du combat
Face à cette incertitude, Emmanuel Hubert rassure ses près de 150 employés en leur demandant de rester libres dans leur recherche d’opportunités. Il insiste sur le fait que, même si la structure doit se battre pour sa survie, il restera le dernier à partir. La solidarité et la loyauté envers ses collaborateurs sont essentielles dans cette période de crise.
Une croissance coûteuse mais essentielle
Le choix de faire évoluer l’équipe vers le niveau WorldTeam n’a pas été sans conséquences financières. Si cette stratégie vise à augmenter le niveau sportif, elle entraîne également des coûts exponentiels. Hubert souligne que le modèle d’affaires doit évoluer, notamment face à la concurrence de mécènes étatiques qui investissent des sommes colossales dans leur équipe respective, ce qui complique la tâche pour une formation privée.
Il explique que, si un jour un sponsor public lui proposait 50 ou 60 millions d’euros, il n’hésiterait pas une seconde, mais que cette réalité est encore loin d’être une évidence. La compétition financière reste un obstacle majeur pour le cyclisme français, qui doit repenser son modèle pour rester compétitif.
Une échéance cruciale pour l’avenir
Le manager fixe la fin de l’année comme date butoir pour sécuriser de nouveaux partenaires. Si, après le Tour, aucun sponsor n’est trouvé, la pérennité de l’équipe sera sérieusement remise en question. La difficulté est d’autant plus grande que, même avec des fonds limités, certains coureurs comme Kévin Vauquelin, 24 ans, continuent de briller et de faire parler d’eux, illustrant le potentiel sportif encore intact de la formation.
Les enjeux pour les jeunes talents
Vauquelin, découvert par Jean-Philippe Yon, éducateur au VC Rouen, est aujourd’hui considéré comme l’un des jeunes cyclistes les plus prometteurs. La confiance que lui a accordée Arkéa-B&B, en lui offrant une place en professionnel, témoigne de la volonté de l’équipe de construire pour l’avenir. Cependant, le jeune coureur ne pourra pas attendre indéfiniment une réponse positive à ses ambitions, et pourrait être amené à rejoindre d’autres formations si la situation ne s’améliore pas.
Le défi mental et la passion intacte
Pour Emmanuel Hubert, ce combat permanent pour le financement est mentalement épuisant. Le court-termisme des partenariats et la pression constante pour trouver de nouveaux sponsors rendent son quotidien anxiogène. Pourtant, il reste passionné par son métier, même si cette quête incessante de fonds mobilise toute son énergie et impacte sa vie de famille.
Il confie qu’il est prêt à tout faire pour sauver cette structure, qui représente bien plus qu’une simple équipe de cyclisme : c’est une passion, un engagement de longue haleine face à un contexte économique difficile.









