Cas Semenya : la CEDH condamne la Suisse pour procès inéquitable

Cas Semenya : la CEDH condamne la Suisse pour procès inéquitable

La CEDH condamne la Suisse pour un procès inéquitable concernant l'athlète Caster Semenya, privée de compétition depuis 2018 en raison de ses taux de testostérone.

Suisse, Afrique du Sud

La condamnation de la Suisse par la CEDH pour un procès jugé inéquitable à l’encontre de Caster Semenya

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a récemment rendu une décision importante concernant le cas de l’athlète sud-africaine Caster Semenya. La Grande chambre de la cour a estimé que la Suisse n’avait pas garanti un procès équitable à la sportive, privée de compétition depuis 2018 en raison de ses taux élevés de testostérone. Toutefois, la Cour a également rejeté d’autres griefs formulés par Semenya, notamment ceux évoquant une discrimination directe, laissant ainsi une partie du dossier en suspens.

Les enjeux du procès et la décision de la CEDH

En juillet 2023, une première décision de la CEDH avait reconnu la violation des droits fondamentaux de Semenya, notamment le respect de sa vie privée et la discrimination dont elle se disait victime. La grande chambre, instance d’appel saisie par les autorités suisses soutenues par World Athletics, a cependant jugé que la juridiction suisse n’était pas compétente pour se prononcer sur le fond de l’affaire. Elle a néanmoins confirmé que Semenya devait bénéficier d’un procès équitable, un droit protégé par la Convention européenne des droits de l’homme.

Le président de la cour, Mattias Guyomar, a souligné que l’examen effectué par le Tribunal fédéral suisse, saisi pour contester la décision du Tribunal arbitral du sport (TAS), n’avait pas respecté le niveau de rigueur requis. La cour a ainsi jugé que le processus n’avait pas permis d’évaluer correctement la situation de Semenya, ce qui constitue une violation de ses droits. En conséquence, la Suisse doit verser à l’athlète 80 000 euros au titre des frais et dépens.

Le contexte sportif et médical de l’affaire Semenya

Caster Semenya, révélée lors des Championnats du monde de 2009 à Berlin où elle a décroché l’or du 800 mètres, a toujours été sous le regard du public en raison de ses caractéristiques physiques. Son apparence et sa voix grave avaient alimenté les débats sur son identité et ses performances. Double championne olympique (2012, 2016) et triple championne du monde (2009, 2011, 2017), elle possède une hyperandrogénie, une condition physiologique qui entraîne une production accrue d’hormones mâles, notamment la testostérone.

En 2018, la fédération mondiale d’athlétisme, World Athletics, a modifié ses règlements pour limiter la participation des athlètes hyperandrogènes, en exigeant qu’elles réduisent leur taux de testostérone pour concourir dans certaines disciplines féminines. Ces règles, validées par le TAS et confirmées par le Tribunal fédéral de Lausanne, ont été justifiées par l’objectif d’assurer une « équité » dans la compétition, en estimant qu’un taux de testostérone élevé confère un avantage insurmontable.

Les recours et la victoire partielle de Semenya

Malgré le rejet de ses recours par les instances sportives, Semenya a obtenu gain de cause devant la CEDH, qui a jugé que ses droits fondamentaux n’avaient pas été respectés lors du processus suisse. La décision ne remet pas en cause directement le règlement de World Athletics, mais elle souligne la nécessité d’un traitement plus rigoureux dans l’évaluation des droits des athlètes concernées.

En mars 2023, la fédération internationale a encore renforcé ses règles en introduisant la possibilité d’un test génétique pour déterminer la condition des athlètes hyperandrogènes, une mesure qui pourrait être appliquée lors des prochains championnats du monde. La question de l’équilibre entre l’intégrité sportive et le respect des droits individuels demeure donc au cœur du débat.

Un parcours marqué par la controverse

Depuis ses premiers exploits en 2009, Caster Semenya a été au centre d’une polémique qui dépasse largement le cadre de l’athlétisme. Son cas illustre les tensions entre la recherche d’une compétition équitable et le respect des différences biologiques. La décision de la CEDH constitue une étape importante dans la reconnaissance des droits des athlètes face à des règlements souvent perçus comme discriminatoires ou arbitraires.

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