Arda Güler, l'autre génie du Real Madrid: entre pression et ambition

Arda Güler, l’autre génie du Real Madrid: entre pression et ambition

Arrivé au Real Madrid en 2023, Arda Güler raconte comment il est devenu titulaire, son relationnel avec Mbappé et son chemin entre enthousiasme et responsabilités.

Turquie

Autour d’Arda Güler, la pépite turque du Real Madrid, on parle souvent de deux visages. L’un est en action lorsque le ballon est près, l’autre semble plus posé hors du terrain. Cette dualité avait été évoquée par son entourage. À Valdebebas, un salarié avait même confié: « Dès qu’il y a un ballon rond, il veut jouer ; son toucher de balle est singulier. C’est sa vie, tout simplement. »

À l’approche d’un rassemblement avec la sélection turque, le jeune milieu s’illumine dès qu’il touche le cuir: il enchaîne les gestes techniques et exploite toutes les surfaces de son pied gauche, cherchant les contrôles les plus propres et les ailes de pigeon les plus faciles. Son ambition et son bonheur d’être sur le terrain se lisent dans chaque mouvement, comme lorsque le ballon ne tombe jamais loin de lui. Cette aisance s’est manifestée lors de ses premiers échanges qui ont révélé une maîtrise rare du jeu.

Arda Güler s’illumine ballon au pied à Istanbul
Discret dans la vie et dans un vestiaire, Arda Güler s’illumine ballon au pied, comme ici à Istanbul le 8 octobre.

De là, son parcours a pris un tournant à Madrid. Quant à son arrivée au Real, elle s’est accompagnée d’un récit de famille: sa grande sœur, huit ans son aînée, lui aurait dit que c’était à lui de remplir le frigo désormais, et son frère adolescent a dû supporter les conséquences d’une épicerie familiale qui venait de sombrer.

Le jeune homme a aussi appris à concilier modestie et aspiration. « Le bruit autour de moi n’a jamais été une pression », répète-t-il aujourd’hui. « Ça alimente mon envie d’aller plus loin et d’assumer des responsabilités », confie-t-il, tout en assurant que cela ne l’a jamais rendu arrogant. À Madrid, l’image de politesse et d’éducation est aussi présente, et il s’en félicite.

« L’un n’empêche pas l’autre », poursuit Güler lorsqu’on lui demande s’il peut s’imposer dans le vestiaire du Real en restant simple et discret. « Certains peuvent penser que je suis trop gentil parce que je ne crée pas de problème, mais j’ai aussi beaucoup d’ambition. L’important, c’est de ne pas chercher à être quelqu’un d’autre. »

Dans les pas de Modrić, il affirme avoir appris à respecter l’équilibre nécessaire pour que les grands joueurs puissent prendre les initiatives lorsque c’est justifié. « Si un joueur comme Modrić arrive et veut tirer, il faut savoir lui laisser le coup de pied arrêté sans dire un mot », explique-t-il. Cette réflexion s’inscrit dans une culture de hiérarchie et de respect au sein du club.

Arda Güler le 10 octobre à Istanbul
Arda Güler, le 10 octobre, à Istanbul.

Le nom de Luka Modrić revient souvent en filigrane: dans un petit carnet où il note les noms qui l’ont aidé, le prénom du Croate figure en bonne place. Lors d’un entraînement, leurs échanges ont beaucoup amusé le vestiaire, et leurs coéquipiers les ont rapidement surnommés « Arda Abi » et « Luka Abi ». Son entourage rappelle qu’il a pris de l’épaisseur, entraîné par des duels plus exigeants et par un travail physique constant — selon ses proches, environ 8 kg de masse musculaire supplémentaire.

Depuis le début de la Coupe du monde des clubs et l’arrivée de Xabi Alonso à la tête du Real, Güler, mesurant 1,75 m pour 70 kg, s’est imposé comme un élément fiable: 14 titularisations en 16 matches, avec 4 buts et 6 passes décisives. Cette progression confirme son passage de jeune talent à joueur clé du dispositif madrilène.

Le tournant s’accompagne aussi d’une reconnaissance de ses mentors. Autrefois jugé comme prometteur, le joueur a fait l’objet d’estimations positives: « Unique, spécial », disent ceux qui l’ont observé de près. « En termes de toucher et de vision, il est au-dessus », affirme un ancien employé du staff, tout en notant qu’il avait besoin de gagner encore en intensité et de s’étoffer.

Sous l’aile de Xabi Alonso, l’amélioration s’est accélérée: Güler a découvert une admiration pour Leverkusen et le style basque du coach, qu’il suit avec attention. Alonso lui confie avoir senti chez lui une mentalité de guerrier et une capacité à faire des appels et des échanges qui collent au jeu. « Je sais que c’est instinctif pour toi », lui aurait-il lancé, « tu es un guerrier sur le terrain. »

Autour de cette connexion, le père d’Arda croise les regards et sourit: lorsque Mbappé a rejoint le Real, il a perçu en lui des qualités similaires à celles qui avaient été associées à Cristiano Ronaldo et Mesut Özil. Le jeune Turc et le Français ont développé une entente fluide et efficace, marquée par des passes décisives et une compréhension mutuelle, souvent décrites comme naturelle et complémentaire.

« Ses qualités et les miennes se complètent; on se comprend parfaitement, c’est fluide », explique Güler. « Parfois, un simple regard suffit pour s’accorder sur une action », ajoute-t-il sur leur duo en attaque. Il préfère laisser Mbappé évoluer librement quand il le faut: « Il doit bénéficier de cette liberté, et si Mbappé décroche, c’est à moi d’occuper sa place. »

Leur duo est parfois mis en avant dans les analyses post-match et dans les discussions des supporters, mais les mots durs sur la hiérarchie restent clairs: c’est l’équipe qui porte l’impact, pas seulement deux joueurs. Le Turc et le Français savent que le partage de zones et les décalages fonctionnent mieux lorsque chacun respecte le rôle des autres et adapte son positionnement en conséquence.

En dehors des terrains, les fans turcs imaginent déjà des scenarios ambitieux: l’équipe nationale et le Real pourraient se retrouver en Amérique du Nord dans le cadre des prochaines compétitions mondiales. Sur le plan individuel, Arda Güler a brillé lors de l’Euro 2024, notamment avec une frappe sublime des 25 mètres contre la Géorgie. Malgré une campagne réussie, l’aventure européenne du Real s’est arrêtée en quarts de finale face aux Pays-Bas, et le prodige a pris conscience que l’heure n’était pas à la consommation d’un titre personnel, mais à la construction collective.

« Le fait de me penser arrivé ne me correspond pas », affirme-t-il, tout en se montrant plus confiant que jamais dans la direction prise par le club et par lui-même. Son regard reste tourné vers l’avenir: l’espoir d’un trophée et la certitude d’avoir posé les fondations pour durer. « Les bases, c’est ce qui compte à mon âge », confie-t-il à ses proches. Et il conclut avec une détermination intacte: « Je veux que les enfants de mon pays puissent se dire: Arda l’a fait, je peux le faire aussi. »

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