Los Angeles et son défi de JO sans voitures en 2028
Los Angeles et son défi de JO sans voitures en 2028
Des Jeux Olympiques sans voitures ? Avec cette ambition démesurée, Los Angeles se positionne à contrecourant de la culture automobile qui prédomine aux États-Unis, un pays qui a largement favorisé la route au détriment du rail. Dans le cadre de sa série intitulée « L’Amérique, passion voiture », l’émission Tout un monde aborde ce projet audacieux qui suscite de nombreuses interrogations.
Un pari audacieux pour la métropole californienne
Los Angeles envisage d’organiser les JO en 2028 « sans voitures ». Cette mégapole, connue pour ses embouteillages incessants et sa population de quatre millions d’habitants pour un parc automobile de six millions de véhicules, se lance dans un défi ambitieux. Mais comment cette métropole va-t-elle réussir à relever ce challenge ? Est-il réellement envisageable ?
Matthieu Schorung, maître de conférences en géographie à Sorbonne Université, nourrit des doutes sur la faisabilité de cette initiative. Il souligne que l’agglomération de Los Angeles est marquée par un modèle d’étalement urbain typique des États-Unis. Les divers pôles de la ville, y compris des communes telles qu’Anaheim ou Santa Monica, sont interconnectés par un large réseau routier, principalement fréquenté par des voitures. Il ajoute que, même durant les JO, la ville continuera à fonctionner comme elle le fait habituellement.
Transport en commun : un défi à relever
Pour sa part, Charlotte Ruggeri, spécialiste des politiques de transport, est plus optimiste quant à cette démarche. Elle se remémore que lors de l’accueil des JO en 1984, Los Angeles ne disposait pas de système ferroviaire et avait mobilisé 500 bus pour le transport des participants. La maire actuelle, Karen Bass, projette de faire appel à plus de 3 000 bus provenant d’autres régions, bien que cela comporte le risque de créer des bouchons, comme ce fut le cas lors de l’édition précédente.
Quarante ans plus tôt, un système de gestion du trafic avait été instauré, incitant la population à utiliser les transports publics pour se rendre aux JO. En 2028, les nouvelles lignes de train, mises en place depuis 1984, devraient également compléter le réseau de bus. Cependant, le défi s’annonce considérable, notamment avec une population ayant doublé et l’afflux de près de 50 millions de touristes par an.
La question persiste : pourquoi Los Angeles n’a-t-elle pas tiré profit de l’édition de 1984 pour développer son réseau de transports en commun ? Les raisons, principalement financières, soulignent une crise systémique touchant les collectivités publiques américaines. Selon Matthieu Schorung, cela contraint les administrations à instaurer de nouvelles taxes pour financer tout nouveau projet de transport, exacerbées par un lobbying politique intense.
Le poids de l’histoire automobile
Historiquement, Los Angeles, comme de nombreuses villes américaines, a prospéré grâce au chemin de fer au XIXe siècle. Charlotte Ruggeri rappelle que ce dernier était un outil d’expansion et de domination économique lors de la révolution industrielle. Toutefois, entre les années 1920 et 1960, les transports routiers ont pris le pas grâce à des investissements publics massifs dans les routes et autoroutes.
“Aménager un arrêt de bus est rapide et peu coûteux, contrairement à la création d’une station ferroviaire qui nécessite davantage de temps et de ressources,” explique la géographe. Progressivement, les bus ont remplacé les trains, tandis que la montée de l’automobile, incarnée par des géants tels que Ford et General Motors, a encore accru la dépendance à la voiture individuelle.
Une évolution politique à considérer
Les récentes tendances politiques semblent, cependant, amorcer un tournant. Bien qu’une partie du spectre politique, notamment le Parti républicain, demeure attachée à l’automobile, des initiatives voient le jour dans des États comme le Colorado. À Denver, par exemple, les autorités ont renoncé à l’élargissement des autoroutes malgré un trafic croissant, tandis que des lois sont mises en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Au niveau fédéral, l’administration Biden a réussi à établir un plan d’infrastructure ambitieux de 1 000 milliards de dollars, intégrant le développement et la modernisation des lignes ferroviaires. Certaines villes, conscientes des enjeux sociaux, envisagent même de démanteler des portions d’autoroutes, mettant en lumière l’impact de la construction routière sur les communautés.
Bien que Los Angeles puisse éventuellement parvenir à atténuer l’emprise de l’automobile durant les JO, la mise en place d’un véritable changement de paradigme à l’échelle nationale semble encore lointaine, comme le souligne Matthieu Schorung. L’Amérique des grandes villes républicaines risque de continuer son développement axé sur la voiture, laissant les petites et moyennes villes ainsi que les zones rurales enfermées dans cette dépendance automobile.