À Bilbao, au cœur du Casco Viejo, l’ambiance est particulière: les rues pavées se remplissent de chants traditionnels et d’un flot de kalimotxo et de bière. Le match amical entre le Pays basque et la Palestine s’inscrit dans un contexte hautement symbolique, et les Basques s’imposent 3-0 après une journée qui avait commencé des heures plus tôt.

Solidarité et paix
« C’est historique », lance Mikel, 24 ans, porteur du maillot vert de l’Euskal selekzioa. « Ce soir, deux peuples opprimés s’affrontent pour faire valoir leurs droits par le football. » Depuis plus d’un demi-siècle, des organisations soutiennent les aspirations d’autodétermination des deux communautés.
Depuis 2023, la solidarité s’est renforcée face à la guerre dans la bande de Gaza. Dans les stades basques, une réelle entraide s’est créée avec les Palestiniens, jugés victimes d’un conflit de masse par plusieurs organisations internationales. Des groupes de supporters comme l’Herri Norte Taldea et les Bultzada ont régulièrement profité des affiches européennes pour faire passer leurs messages, comme lors de l’ouverture de la saison de Ligue des champions contre Arsenal, lorsque l’ICHH a brandi la banderole « Nous serons avec vous jusqu’à la fin ».
À 17 heures 30, place Arriaga, une immense foule se forme. Une marche organisée par EH Bildu, première force abertzale de gauche, précède la rencontre. Joana, une femme dans la quarantaine, tient un stand de keffiehs et rappelle que le peuple basque a connu la répression et que soutenir les Palestiniens, qui vivent une violence que l’on a nous‑mêmes connue, est un acte soliditaire nécessaire.
Cette mobilisation et la pression exercée sur les instances ont porté leurs fruits: l’Athletic, réticent sur ce sujet sensible, a été contraint par ses supporters de prendre position. Le mois précédent, une collecte avait été organisée lors du match entre les Leones et Majorque, dont les bénéfices avaient été reversés à des associations aidant les réfugiés de la guerre.
Reconnaissance et indépendance
Autre symbole, cette rencontre marque le retour de l’Euskal selekzioa sur le terrain après plus d’un an. Le combat politique mené par les organisations abertzales de gauche a fait émerger la reconnaissance de ces sélections comme une priorité pour de nombreux jeunes euskaldunak qui ne se reconnaissent pas dans la Roja représentée par Dani Carvajal. L’Espagne championne d’Europe avait aligné sept Basques à l’été 2024.

« En tant que Basques, nous aspirons à notre souveraineté et nous devons avoir le droit de posséder notre propre équipe », affirme Nahía. Cette ouverture a également bénéficié au football basque dans d’autres disciplines, comme la pelote, ouvrant des perspectives internationales pour le Pays basque et suscitant des débats politiques au sein du milieu parlementaire.
Pour certains, l’objectif est clair: que les Sélections Basques gagnent en reconnaissance et en autonomie, au-delà du seul cadre des équipes nationales espagnoles.
Le football en sort vainqueur
L’heure du coup d’envoi approche: l’esplanade de San Mamés est animée et la façade de la cathédrale s’illumine du vert de l’équipe locale. À l’intérieur, 51 396 spectateurs occupent les travées, un record pour cet événement. À l’entrée des joueurs, un immense tifo vient habiller les tribunes, signe de la réussite et de l’élan autour de la rencontre. L’ambiance, comme souvent au Pays basque, est électrisante et promet une soirée historique.

Dans les virages, les banderoles affluent, évoquant la « résistance palestinienne » et la « liberté pour le Pays basque ». Les chants résonnent des tribunes alors que les Basques mènent 2-0: Txoria Txori est repris par l’ensemble du stade. Finalement, l’équipe locale s’impose 3 à 0, les Palestiniens n’ayant pas réussi à peser face à une équipe basque maîtrisée, malgré les 50 000 voix qui scandaient « Palestina askatu ! » tout au long de la soirée.
La soirée se conclut par une banderole de remerciement au public: le football rappelle qu’il peut dépasser les clivages géopolitiques, tout comme le kalimotxo qui promet de réchauffer les vainqueurs dans la nuit bilbaïne.
Le second match de la Palestine diffusé en France
Boycottée par les grandes chaînes, la rencontre entre le Pays basque et la Palestine n’a pas été diffusée en France. Certains ont pu suivre le match via la télévision publique basque, mais le second duel amical des Palestiniens en Europe, programmé mardi à 18 h 30 à Barcelone face à la Catalogne, sera proposé par NA TV, disponible sur les box des opérateurs (Orange 357, SFR 504, Bouygues 338, Free 952). Pas d’excuses pour manquer les exploits d’Arnau Tenas et de ses coéquipiers!
Propos recueillis par EH.









