À la sortie de l’ascenseur, au vingtième étage d’un immeuble new‑yorkais sur la Huitième Avenue, un rire aigu et candide perce le silence. Ses pas rapides et son maintien expriment une assurance tranquille et une détermination sans faille. Maria Sharapova, 38 ans, apparaît comme une figure à la fois élégante et indomptable, souvent en avance sur son planning.
Ses débuts remontent très tôt, dans la station balnéaire de Sotchi, sous les pins du parc Riviera où se dessinait son premier club. Elle s’entraînait contre un mur avec la raquette que le père de Ievgueni Kafelnikov lui avait offerte après avoir scié le manche; puis elle rejoint Bradenton, en Floride, chez Nick Bollettieri, dans ce que certains décrivent comme une véritable usine à tennis.

Les années ont passé, sa chevelure blonde s’est parée de reflets plus sombres sans que sa rigueur ne fléchisse. Son agent historique, Max Eisenbud, souligne que Sharapova savait optimiser le retour sur investissement: elle pouvait exiger un entraînement personnalisé, revenir sur le court à l’aube et ne pas quitter le plateau tant que le résultat n’était pas parfait. Elle n’était pas du genre à partir directement lorsque le tournage devenait long: elle cherchait toujours à faire mieux pour les partenaires et pour elle-même.
Aux tournois, elle s’imposait comme l’une des deux joueuses les plus bankables de l’époque, aux côtés de Serena Williams, selon Denis Naegelen, alors directeur des Internationaux de Strasbourg qu’elle avait remportés en 2010. L’homme de 73 ans se souvient d’une athlète extrêmement professionnelle et d’un pouvoir médiatique impressionnant, comparable à Madonna à ses yeux, tout en restant une grande championne qui tenait ses promesses et refusait parfois des propositions trop alléchantes pour préserver son entraînement.

L’ascension fut fulgurante et, dès Wimbledon, sa vie évolua. Le 26 avril 1986 naquit Maria Sharapova à Niagan, en Sibérie, dans un cadre familial où son père Iouri travaillait dans l’industrie pétrolière et où sa mère Elena a dû faire face à des obstacles administratifs. L’arrivée d’un enfant n’a pas été simple, et la famille a finalement déménagé vers Sotchi, puis vers les États‑Unis lorsque Maria avait sept ans, faute de visa pour sa mère qui restait bloquée pendant deux années en Biélorussie.
À Bradenton, les années d’enfance furent rudes: dans le dortoir de l’académie Bollettieri, les autres enfants se moquaient d’elle, son anglais était encore incertain et son seul souci tournait autour du tennis. Cette période, aussi difficile, a façonné une jeune fille méfiante mais déterminée, qui s’isola parfois avec un livre à la main avant ses matches pour se concentrer.

Le travail de l’ombre a été le socle de sa réussite: entraînements à l’aube, analyses vidéo tard le soir et une discipline qui lui a permis de progresser sans céder aux distractions. Sharapova a toujours privilégié des solutions solides et mesurées, répondant par la patience et la persévérance à chaque défi rencontré sur le chemin des plus grands résultats.
Sharapova est devenue une figure polyvalente et influente, non seulement sur le court mais aussi hors du terrain. Après sa retraite sportive en 2020, à 32 ans, et après une carrière marquée par des blessures et des revers, notamment une suspension en 2016 liée à un produit interdit, elle s’est tournée vers d’autres horizons. Elle s’investit dans des entreprises, siège au conseil d’administration de Moncler et entretient des relations avec des marques telles que Nike, Aman Hotels et Stella Artois, tout en restant proche du tennis à travers divers projets et collaborations. Son quotidien d’aujourd’hui combine affaires, famille et un lien durable avec le sport qu’elle a si longtemps porté.
La vie après le tennis montre une Sharapova plus calme mais tout aussi déterminée, où son rôle de mère et d’entrepreneure tient une place centrale. Elle évoque son fils Theodore, âgé de 3 ans, et des journées bien remplies où elle supervise ses investissements, ses visites chez des fondateurs et ses engagements sur des projets de construction de maisons. Malgré la réussite, elle affirme qu’elle ressent encore une énergie différente, celle de l’athlète qui aime garder le contrôle et naviguer entre les deux mondes qu’elle a connus.

Également, Max Eisenbud rappelle que, même si elle a été professionnelle au-delà de la carrière sportive, elle a utilisé chaque occasion pour apprendre et découvrir le monde des affaires, comme si elle terminait un master en gestion pendant qu’elle jouait au tennis. Cinq ans après sa retraite, Sharapova suit encore le circuit, convaincue que le tennis demeure un sport complexe et chargé d’histoires; elle raconte ressentir une proximité avec les moments clés de sa carrière, même en spectatrice, tout en restant consciente de l’importance de laisser les autres profiter du spectacle.
Pour elle, le respect entre Serena Williams et elle a toujours été présent, malgré leurs conflits passés et leurs confrontations sur le court. Leur duel a été l’un des plus marquants du circuit, et l’intronisation de Sharapova au Tennis Hall of Fame, en août dernier, a été l’occasion de mesurer le chemin parcouru. À Newport, sous le regard de son père et de ses proches, elle a reconnu l’impact durable de ces rivalités et l’élan qu’elles avaient suscité, tout en affirmant que le public avait joué un rôle positif dans sa carrière.
Le récit de Sharapova demeure une histoire de travail acharné, de discipline et de maîtrise des émotions, entretenue par un esprit compétitif qui a su résister à l’usure du temps. Face à la pression et à la lumière des projecteurs, elle a choisi d’évoluer hors du court, multipliant les défis et les réussites, sans jamais oublier les racines qui l’ont propulsée au rang d’icône, tant sur le plan sportif que médiatique.









