Le rugby féminin français en crise : manque de moyens et disparités

Le rugby féminin français en crise : manque de moyens et disparités

Analyse de la situation du rugby féminin en France, entre manque de moyens, disparités et enjeux de professionnalisation.

France

David Attoub, ancien pilier international et entraîneur des féminines de Lyon ces deux dernières saisons, analyse la situation du rugby féminin français à l’aube de la reprise du championnat d’Élite 1. Il rappelle que le contexte financier et structurel freine le développement et que les clubs doivent s’engager de façon concrète pour rehausser le niveau. Cet entretien, réalisé à l’approche du début de la saison, permet d’entrevoir les enjeux sans détour.

Pour Attoub, le rugby féminin est à un tournant. L’engouement autour de la Coupe du monde et le naming instauré par la Fédération française pour le championnat apportent de la visibilité, mais c’est surtout l’attitude des clubs qui conditionnera l’avenir. Les dirigeants doivent faire du championnat une priorité et cesser d’en limiter l’investissement.

Sur le terrain, il affirme qu’un club d’Élite 1 ne peut pas être considéré comme un grand club de Fédérale 2 en termes de moyens. Obtenir des budgets équivalents à ceux de Fédérale 2 nécessiterait entre 600 000 et 700 000 euros, ce qui reste très difficile à obtenir, selon lui. L’objectif de professionnalisation apparaît encore lointain sans ressources suffisantes.

Selon lui, la solution passe par la création d’une association spécifique à l’élite féminine et par la recherche de partenaires qui financent uniquement cette catégorie. Sans cela, l’équité du championnat restera imparfaite. Trois clubs tirent actuellement leur épingle du jeu — Toulouse, Bordeaux et Clermont —, chacun s’appuyant sur un recrutement et une expérience consolidés. Si les autres formations ne lancent pas un véritable projet, les écarts risquent de persister.

Attoub décrit la disparité de niveau comme « folle » et rappelle que le championnat féminin n’est pas très attractif tant que les moyens manquent. Selon lui, l’absence de ligue et de statut collectif freine la professionnalisation et conduit à un championnat à deux vitesses, notamment lorsque l’on affronte Bordeaux, qui bénéficie d’un haut niveau et d’une structuration solide. L’année écoulée a particulièrement mis en évidence ces écarts.

Concernant le quotidien des joueuses, Attoub met en lumière leur détermination: certaines travaillent de longues heures et s’entraînent après leur journée, répondant présent même lorsque des efforts supplémentaires leur sont demandés. Il loue cet esprit d’acharnement et affirme avoir été profondément impressionné par ces jeunes athlètes lors de ses années à Lyon.

Sur le développement professionnel et sportif, il explique que les entraîneurs de filles posent souvent des questions et recherchent du sens, alors que beaucoup de joueurs masculins restent dans leurs habitudes. Quand on leur donne un cadre clair et des objectifs, elles vont jusqu’au bout, mais cela suppose davantage d’ateliers et de travail technique. Il évoque aussi sa propre situation personnelle marquée par une blessure et une longue récupération, qui a compliqué son travail d’entraîneur.

Attoub revient sur son expérience à Lyon et les difficultés rencontrées pour trouver des partenaires afin de financer le projet féminin de haut niveau. Il évoque une phase de déception après plusieurs mois sans progression et rappelle que le naming et la diffusion programmée de matchs restent des signaux positifs, même si tout n’est pas encore suffisant pour transformer durablement la donne.

En matière de sécurité, il rappelle les risques accrus lorsque le niveau des adversaires est très différencié et évoque un souvenir marquant d’un match face à Bordeaux où une pilier internationale a été mise en danger en mêlée. Cette image illustre les enjeux de protection et l’urgence d’améliorer les conditions pour les joueuses.

Enfin, sur l’avenir personnel et les perspectives pour l’équipe de France, Attoub précise qu’il n’a pas de poste actuel mais qu’un appel à candidatures serait une option qui l’intéresserait. Il se montre prudent sur les annonces officielles de la Fédération, tout en affirmant que diriger les Bleues demeure une perspective qui fait rêver et guiderait son parcours professionnel.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *