France
Dans le paysage du football français, Antony Gautier se distingue par une double casquette rare: maire d’une commune du Nord et docteur en mathématiques, à la tête du renouveau de l’arbitrage. Depuis janvier 2023, il pilote la Direction technique de l’arbitrage (DTA), devenu le cœur battant d’un secteur en pleine mutation et d’une relation renouvelée entre joueurs, entraîneurs, dirigeants et arbitres.
Un parcours qui illustre l’ouverture d’un corps en mutation
Longtemps surnommé « la grande muette », l’univers de l’arbitrage a connu une перевersion notable avec l’arrivée de la VAR en 2018. Cette technologie n’est pas vue par tous comme une révolution parfaite, mais elle a joué un rôle déterminant en permettant au football de se doter d’un cadre plus transparent et plus juste. Antony Gautier, ancien sifflet d’élite avec 263 matchs de Ligue 1 et 58 rencontres internationales, incarne cette évolution : il dirige désormais la DTA et guide l’arbitrage français vers une meilleure lisibilité pour le public.
Transparence et dialogue : l’arbitrage mis au grand jour
Pour Gautier, la VAR a permis de rééquilibrer les échanges entre les acteurs du terrain et les spectateurs. Il rappelle que les débriefs publiés par la Fédération française de football, suite à chaque journée de Ligue 1, analysent des actions éclairantes et parfois litigieuses, avec des conclusions qui peuvent reconnaître des erreurs de jugement. « C’est une façon de montrer, en totale transparence, la façon dont les arbitres travaillent sur le terrain et en régie. On accepte toujours mieux ce que l’on comprend. Il faut donner au public les outils pour changer l’image de l’arbitrage. J’y crois profondément. »
Les cinq axes forts pour la rentrée
Fort de son bagage académique — doctorat en mathématiques (thèse sur les modèles de séries temporelles à coefficients dépendant du temps) et carrière universitaire à Lille, spécialisée en probabilités et statistiques — Gautier a dévoilé, avec ses adjoints, cinq axes prioritaires pour la saison: optimiser le temps de jeu, mieux protéger la santé des joueurs, donner un rôle accru aux capitaines, affirmer l’esprit du jeu à travers l’usage de la VAR et poursuivre l’ouverture internationale de l’arbitrage.
Optimisation du temps de jeu
La gestion des durées et des interruptions est au cœur des préoccupations, afin de rendre le jeu plus fluide et lisible pour le public et les dirigeants.
Protection de la santé des joueurs
Les protocoles et les temps morts éventuels visent à préserver les conditions physiques des acteurs, tout en maintenant le rythme des rencontres.
Rôle accru des capitaines
Sur le terrain, seuls les capitaines peuvent désormais s’adresser directement à l’arbitre, afin de limiter les contestations et les interruptions qui entourent les décisions arbitrales.
Respect de l’esprit du jeu avec la VAR
La priorité demeure que la VAR soit un outil d’aide et non un substitut à l’arbitre. « Pour un arbitre, la VAR évite d’avoir à porter le fardeau d’une erreur majeure durant tout un match, voire après. Mais l’exigence que je formule est toujours la même : être en capacité de prendre la bonne décision sur le terrain, avant l’assistance vidéo. Car elle est un recours, un outil d’aide. Elle ne doit pas remplacer l’homme. »
Ouverture et rayonnement international
Le but est aussi de démontrer que l’arbitrage français peut s’appuyer sur des échanges internationaux et une communication plus claire avec le public. Gautier affirme qu’il faut continuer à faire rayonner le niveau national, afin que les sceptiques locaux réalisent que la qualité du arbitrage est au sommet du monde, depuis les clubs amateurs jusqu’aux grandes compétitions mondiales, y compris la prochaine Coupe du monde.
Rayonnement et adaptations à l’ère moderne
La saison précédente a été marquée par des polémiques principalement liées à des prises de position publiques et à des remises en question de l’honnêteté arbitrale par certains dirigeants. Face à ces tensions, Gautier réaffirme une approche de proximité et de dialogue: dès qu’un club sollicite l’arbitrage, la DTA répond, et sur le terrain, les échanges avec les arbitres se recentrent autour des capitaines afin de réduire les contestations autour des décisions.
Autre piste d’évolution: la sonorisation des décisions des arbitres, déjà testée dans d’autres sports comme le rugby et expérimentée en Coupe de France sur certains matchs après recours à la VAR. « Depuis deux ans en Coupe de France, nous expérimentons sur certains matchs la prise de parole de l’arbitre de terrain après recours à la VAR. En quelques phrases, il explique sa décision aux spectateurs. Je suis convaincu que la sonorisation va dans le sens de l’histoire. »
Gautier, maire de la commune de Bailleul (Flandre française) depuis 2020, n’exclut pas d’utiliser davantage la VAR dans des contextes institutionnels, au gré des besoins et des choix de carrière: « De temps en temps, elle pourrait être utile », répond-il avec un sourire, tout en rappelant que sa priorité actuelle reste l’arbitrage français, dont la qualité est largement reconnue à l’étranger. Il ajoute que les habitants ignorent parfois l’étendue du rayonnement du système arbitral, mais qu’il travaille pour le faire connaître, des terrains amateurs à la scène mondiale.
Un engagement clair et une vision tournée vers l’avenir
En dépit des tensions, Antony Gautier affirme une approche résolument tournée vers l’amélioration continue et la pédagogie: montrer ce qui se passe sur le terrain, expliquer les décisions et offrir au public les outils nécessaires pour mieux comprendre le travail des arbitres. Le regard porté sur l’arbitrage français est celui d’un secteur qui entend conjuguer rigueur scientifique et responsabilité sportive, afin d’apporter transparence, précision et ouverture internationale au cœur du football tricolore. Dans ce cadre, il rappelle que l’arbitrage ne peut pas se déployer sans une dimension humaine et pédagogique qui demeure au centre du dispositif.
