À deux semaines des Mondiaux de Tokyo, les tests génétiques obligatoires imposés par World Athletics alimentent une controverse nourrie par des questions éthiques et juridiques. Dès le 1er septembre, toute athlète souhaitant participer dans les catégories féminines devra se soumettre à ce dépistage, une mesure qui, interdite en France, suscite de vives réactions dans le monde du sport et au sein de la communauté scientifique. Si l’objectif affiché est de protéger le sport féminin, les avis restent partagés et les débats s’intensifient à l’approche d’épreuves internationales majeures comme les World Athletics Championships.
Un test qui divise et qui entre dans le droit chemin contesté
Le dispositif consiste en un test « à passer une seule fois dans la vie » visant à détecter le gène SRY, porteur du chromosome Y, indicateur d’un développement masculin. Si le résultat est négatif, l’athlète est autorisée à concourir dans la catégorie féminine. Cette approche est présentée comme un moyen fiable de déterminer le sexe biologique, mais elle n’a pas fait l’unanimité.
Plusieurs athlètes et scientifiques estiment que cette mesure est discriminatoire et pose des questions sensibles sur l’identité et les droits des sportifs. La championne olympique de la longueur, Malaika Mihambo, a qualifié la démarche de juridiquement discutable et d’éthiquement délicate, tout en soulignant que le système ne semble pas avoir pour priorité la protection du sport féminin. De son côté, la Belge Nafi Thiam, triple championne olympique de l’heptathlon, a exprimé ses réserves, estimant ne pas être convaincue par la justification avancée et affirmant que la protection du sport féminin ne paraît pas être une priorité récente.
Des limites scientifiques et un cadre légal qui compliquent la démarche
World Athletics affirme que ce dépistage chromosomique permet de « déterminer de façon fiable le sexe biologique ». Or la communauté scientifique souligne les limites de cette approche. Autrefois utilisé lors des Jeux olympiques, le dépistage chromosomique a été abandonné puis réintroduit dans certaines compétitions, y compris en athlétisme, mais ses fondements restent discutés. Un expert australien, Andrew Sinclair, qui a découvert le gène SRY en 1990, a rappelé que la détermination du sexe biologique est bien plus complexe et qu’il existe des personnes biologiquement féminines portant les chromosomes XY. Cette position rappelle les nuances biologiques qui échappent à une simple catégorisation par le matériel génétique.
En France, les autorités sportives ont aussi bloqué la mise en œuvre. La Fédération française d’athlétisme avait envisagé de réaliser ces tests lors des championnats de France, mais s’est heurtée au refus catégorique des ministères de la Santé et des Sports. Selon eux, de tels tests sont interdits par la loi bioéthique de 1994, ce qui limite fortement la mise en œuvre à l’échelle nationale.
World Athletics avait auparavant adopté des cadres plus restrictifs concernant certaines catégories. Après avoir exclus des compétitions les athlètes transgenres ayant effectué leur transition après la puberté et renforcé les dispositions autour des athlètes hyperandrogènes, la fédération a renforcé son arsenal de régulations, exigeant notamment le maintien d’un taux de testostérone conforme à ses critères pour rester dans une catégorie féminine.
À mesure que se multiplient les échanges entre scientifiques et sportifs, le débat s’étend au-delà du seul dépistage. La question centrale demeure l’équilibre entre l’intégrité des compétitions et le respect des droits individuels des athlètes, notamment dans un contexte où les Mondiaux de Tokyo attirent toutes les attentions.
En somme, ces échanges mettent en lumière des enjeux complexes autour de l’athlétisme et du sport féminin, et interrogent la manière dont les instances internationales et nationales doivent réguler des questions aussi sensibles que le sexe biologique, tout en veillant à l’équité et à la dignité des athlètes. Le dossier reste ouvert, alors que les discussions se poursuivent et que les décisions restent en suspens dans l’ombre des prochaines compétitions.







