
La saison 2025-2026 de l’AS Saint-Étienne démarre sur deux signaux forts pour les fans : une victoire 4-0 à domicile contre Rodez et, surtout, l’ouverture prochaine de l’entrée des supporters au capital du club. Le conseil d’administration a validé, le mardi 12 août, la cession des parts détenues par un actionnaire minoritaire à l’association Socios Verts, dans le cadre d’un dispositif d’actionnariat populaire qui fait écho à une tendance observée à l’étranger et à une réflexion croisée sur la gouvernance du football.
Selon les informations communiquées par l’association, l’actionnaire, qui souhaite pour le moment rester anonymisé, l’a contactée en mars pour envisager la vente de ses titres. L’objectif est désormais d’obtenir 150 000 euros pour acquérir les actions, avec une échéance légale d’un mois à compter de la décision de cession, soit jusqu’au vendredi 12 septembre. À partir du 18 août, Socios Verts a lancé une campagne de financement public, en fixant une participation minimale de 19,33 euros par contributeur.
Les réactions sur les réseaux sociaux ont été rapides et enthousiastes. Des messages tels que « Contribution effectuée : dix parts. Allez les Verts ! » ou « Notre objectif est d’ouvrir la porte aux passionnés et au-delà » ont affiché l’élan collectif. Pour Jeremy Chatonnier, président de Socios Verts, cette démarche incarne « une actionnariat populaire » adaptée à un club dont la base est fortement attachée au public. Il rappelle que l’objectif est non seulement de réunir la somme nécessaire, mais aussi d’impliquer un maximum de supporters.
Une démarche d’actionnariat populaire portée par Socios Verts
Créée en 2021, l’association Socios Verts a toujours milité pour une participation citoyenne dans le financement et la gouvernance du club. En quatre ans, les promesses d’achat de parts ont dépassé 500 000 euros, démontrant l’adhésion d’un public prêt à s’impliquer durablement. Michel Platini, figure emblématique du club et du football français, s’est engagé comme parrain en septembre 2024, apportant un soutien symbolique et une visibilité accrue à ce projet.
»Cette entrée au capital permettra au représentant de l’association de participer à l’assemblée générale des actionnaires et d’avoir accès à des informations stratégiques», précise Chatonnier. Au-delà de ce rôle formel, Socios Verts souhaite diffuser une culture d’engagement des supporters dans l’économie des clubs, estimant que le modèle économique du football traverse une période de crise et qu’un apport des supporters peut offrir une stabilité et une vision à long terme, plus orientée vers le clubs que vers le seul profit immédiat.
À l’échelle internationale, les expériences varient. En Espagne, des fans peuvent être propriétaires et influencer la gouvernance de clubs comme le FC Barcelone et le Real Madrid, tandis qu’en Allemagne, la règle dite « 50 + 1 » limite l’emprise des investisseurs privés pour préserver l’influence des associations historiques. Le Bayern Munich compte ainsi environ 350 000 socios. En France, huit associations locales existent déjà dans des clubs tels que Sochaux, Guingamp, Rouen, Bastia, Nancy, Metz, Nîmes et Bordeaux, mais le mouvement reste encore peu développé. L’avocat Paul Camille, spécialiste du droit du sport, insiste sur l’apport positif de ce modèle : il s’agit d’une alternative au « foot business », apportant une stabilité capitalistique grâce à une perspective de long terme.
Du côté des chiffres du groupe propriétaire, Kilmer, l’actionnaire principal du Groupe ASSE, a récemment accru le financement du club de plus de 30 millions d’euros. Si cet investisseur est satisfait de l’élan des supporters qui souhaitent devenir actionnaires, il n’envisage pas, à ce stade, de céder des parts aux Socios Verts. Pour autant, l’entrée des supporters pourrait modifier les équilibres et ouvrir la voie à une gouvernance où la voix des fans aurait un poids concret lors des décisions stratégiques.
Perspectives et enjeux pour l’ASSE et ses supporters
Pour les Socios Verts, l’objectif est double : gagner en influence et démontrer la viabilité d’un modèle d’actionnariat partagé dans un club de niveau professionnel. Comme l’explique Paul Camille, « l’investissement des socios offre une alternative crédible au football business, car il s’inscrit dans une logique de long terme et peut contribuer à stabiliser le club ». Aujourd’hui, les parts envisagées restent modestes par rapport au capital total, mais elles s’inscrivent dans une dynamique qui peut influencer la gouvernance et la perception du club par les supporters, les partenaires et les investisseurs.
La période de mobilisation autour de l’opération est cruciale: le 12 septembre, date butoir du processus, pourrait marquer une étape décisive dans l’histoire de l’ASSE et de ses supporters. Dans l’attente de ce rendez-vous, le club et ses fans suivent avec attention les évolutions du dossier et les résultats sportifs, qui restent, eux aussi, un élément clé de l’adhésion populaire à ce projet.
En dehors du cadre direct de l’ASSE, cette initiative résonne comme une expérimentation majeure pour le football français, dans un paysage où la coopération entre clubs et fans pourrait devenir une norme plus répandue, et où les valeurs d’actionnariat populaire et d’engagement civique prennent progressivement place dans les discussions sur l’avenir du football.









