Trois députés maoris suspendus après avoir exécuté un haka au parlement néo-zélandais
Le Parlement de Nouvelle-Zélande a récemment pris une décision radicale en suspendant trois élus du parti Te Pati Maori, suite à une action symbolique et hautement significative : l’exécution d’un haka dans l’hémicycle. Cet incident a déclenché un vif débat national sur la liberté d’expression culturelle, la reconnaissance des droits autochtones et la place de la culture maorie dans la sphère politique.
Un geste de protestation lors d’un débat sensible
Le 29 novembre 2024, alors que les parlementaires discutaient d’un projet de loi visant à réinterpréter les principes du traité de Waitangi, considéré comme la pierre angulaire de la relation entre la Couronne britannique et les Maoris, la députée Hana-Rāwhiti Maipi-Clarke, âgée de 22 ans, a brusquement déchiré sa copie du texte en pleine séance. Elle a ensuite entamé un haka, geste de défi et de revendication culturelle, rejoint par ses co-leaders Rawiri Waititi et Ngarewa-Packer, ainsi que brièvement par le député travailliste maori Peeni Henare.
Ce moment, filmé et largement partagé, a mis en lumière les tensions croissantes entre le gouvernement conservateur et la communauté maorie, qui considère cette action comme une expression légitime de leur identité et de leur résistance.
Une contestation symbolique contre un projet de loi controversé
Ce geste s’inscrivait dans un contexte où la relecture des principes du traité de Waitangi, notamment leur application légale et politique, suscite de vives oppositions. Depuis les années 1980, ces principes ont permis d’instaurer des mesures visant à réparer les injustices coloniales : financement de l’éducation en langue maorie, gouvernance partagée dans certains secteurs publics, politiques de discrimination positive.
Les partisans du projet, porté par le parti de droite ACT, cherchaient à « clarifier » la place du traité dans le système juridique, estimant que certaines interprétations étaient excessives. Cependant, ses opposants craignaient que cette réforme ne remette en cause des décennies d’avancées en matière de reconnaissance des droits autochtones. La mobilisation citoyenne a été massive, avec plus de 300 000 signatures contre le texte. En avril 2025, le projet a été rejeté par la majorité des députés, tous partis confondus, sauf celui qui l’avait proposé.
Des sanctions sans précédent pour un acte symbolique
Malgré l’échec du projet de loi, les trois députés impliqués dans le haka ont été suspendus pour une période pouvant aller jusqu’à 21 jours sans solde. Hana-Rāwhiti Maipi-Clarke a été suspendue pour une semaine, tandis que Rawiri Waititi et Ngarewa-Packer ont écopé de 21 jours d’interdiction de leur salaire et de leur droit de vote. Ces sanctions constituent les plus longues jamais imposées à des élus néo-zélandais, dépassant largement le précédent record de trois jours en 1987.
Le comité parlementaire a justifié ces mesures en affirmant que l’action des députés aurait été perçue comme une intimidation envers leurs opposants politiques. Ngarewa-Packer aurait même mimé un geste de menace avec une arme à feu en direction de David Seymour, député de l’ACT et instigateur du projet de réforme.
Les élus suspendus ont dénoncé une mesure discriminatoire. Rawiri Waititi a notamment déclaré : « Vous avez remplacé le nœud coulant par la législation », en brandissant une corde symbolique. Le Premier ministre Winston Peters, lui-même d’origine maorie, a suscité la controverse en qualifiant le tatouage facial sacré de Waititi de « gribouillis sur le visage », ajoutant que « ce sont des extrémistes, et la Nouvelle-Zélande en a assez d’eux ».
Une revendication culturelle et politique au cœur du débat
Le haka, traditionnellement associé aux démonstrations sportives, notamment dans le rugby, est profondément ancré dans la spiritualité, l’histoire et la résistance maorie. L’utiliser dans le cadre parlementaire revient à revendiquer une identité forte, à affirmer la souveraineté culturelle des Maoris face à un pouvoir souvent perçu comme hostile ou déconnecté de leur réalité.
Pour Rawiri Waititi, cette sanction constitue un « coup de semonce de l’État colonial » incapable de supporter le défi lancé par ces députés. La polémique s’inscrit dans un contexte politique tendu, où la coalition conservatrice menée par Christopher Luxon adopte une posture de défiance envers les dispositifs de co-gouvernance et les institutions bilingues, remettant en question le fragile équilibre postcolonial instauré depuis les années 1990.









