Vingt ans après- le miracle d-Istanbul raconté par Rafael Benítez

Vingt ans après, le miracle d’Istanbul raconté par Rafael Benítez

Rafael Benítez revient sur la légendaire finale d'Istanbul, un match inoubliable entre Liverpool et l'AC Milan, symbole d'émotion et de détermination.

France

Combien de fois avez-vous raconté cette finale d’anthologie ? (Rires.) J’ai arrêté de compter. Ce qui est certain, c’est que c’est le match dont on me parle le plus souvent depuis vingt ans. J’ai participé à de nombreux événements, conférences, interviews pour évoquer cette finale mémorable. Liverpool prévoit encore plusieurs célébrations pour célébrer cet anniversaire. Vingt ans après, ce qui reste, ce sont des émotions intenses et un bonheur inoubliable. Avec le temps, je réalise davantage la valeur de ce titre. J’ai vu beaucoup de grands matchs depuis, mais aucun n’a égalé celui-ci en termes d’émotions. Il sera difficile de faire mieux, car les circonstances étaient très particulières : le scénario, la grandeur de l’adversaire, l’ambiance, les émotions… Que tous tes supporters continuent de chanter avec autant de ferveur quand tu perds 3-0 et que tu souffres autant, c’est unique, exceptionnel. Je ne sais pas si cela aurait pu arriver ailleurs.

Une finale inattendue face à l’AC Milan

Avant le match, Liverpool n’était pas considéré comme le favori. La Ligue des Champions a toujours été une compétition particulière pour le club anglais. Personne ne misait sur nous en début de saison. Nous étions passés par le tour préliminaire contre les Autrichiens du Grazer AK (2-0 à l’aller, 1-0 au retour). Nous avons sorti la phase de groupes en battant l’Olympiakos à domicile (3-1), puis le Bayer Leverkusen en huitièmes (3-1 à l’aller, 3-1 au retour), et deux grands favoris : la Juventus en quarts (2-1, 0-0) et Chelsea en demi-finale (0-0, 1-0). Les matchs à domicile contre ces deux équipes restent parmi les plus bruyants de l’histoire d’Anfield. Nos supporters ont joué un rôle crucial tout au long du parcours. Ils attendaient ce titre depuis 21 ans… La confiance de l’équipe a grandi après avoir éliminé la Juventus, une équipe de très haut niveau, puis en battant Chelsea, leader de la Premier League. La finale s’annonçait difficile face à l’AC Milan, une équipe expérimentée, talentueuse, avec des joueurs emblématiques comme Maldini, Nesta, Cafu, Pirlo, Seedorf, Gattuso, Kaká, Shevchenko et Crespo. Mais nous savions que, dans un bon jour, nous pouvions rivaliser avec n’importe qui.

Match mythique entre Liverpool et l'AC Milan en 2005

Le plan initial et le début de la rencontre

Le plan de départ était de jouer en 4-2-3-1, avec Xabi Alonso et Steven Gerrard devant la défense, et Harry Kewell en position plus offensive. Beaucoup pensaient que c’était une erreur. Cependant, nous avions suffisamment de qualité entre le milieu et l’attaque pour surprendre le Milan. Malheureusement, dès la première minute, Paolo Maldini ouvre le score, puis Kewell se blesse à la 23e minute. Les Rossoneri marquent deux autres fois avant la mi-temps, grâce à Crespo (39e et 44e). Nous nous sommes trop découverts après le premier but, ce qui était le pire scénario. Dans le vestiaire, tout le monde était abattu, personne ne parlait. Il fallait jouer sur les émotions.

La remontée historique

En retournant aux vestiaires, je pensais surtout au discours que j’allais tenir. La difficulté était que je devais m’exprimer en anglais, une langue que je ne maîtrisais pas parfaitement. Dans cette situation, où l’on perd 3-0 en finale, l’aspect mental est primordial. Je me suis concentré pour ne pas faire d’erreurs de prononciation ou de vocabulaire, afin de ne pas affaiblir le message. Tout le monde était abattu, il fallait jouer sur les émotions. J’ai rapidement donné les consignes tactiques : passer à une défense à trois en faisant entrer Dietmar Hamann pour limiter Kaká, qui avait eu beaucoup de liberté, et pour mieux contenir Crespo et Shevchenko. Je leur ai rappelé tout le travail fourni pour en arriver là, et qu’il restait 45 minutes pour inverser la tendance. J’ai insisté sur le fait qu’il fallait lutter, y croire jusqu’au bout, et qu’on n’avait rien à perdre. À ce moment-là, personne ne croyait vraiment en nous.

Une foi intacte et une seconde mi-temps magique

Je suis réaliste, je savais que revenir était difficile, mais je n’ai jamais pensé que c’était impossible. Mon objectif était de redonner confiance aux joueurs, de leur faire croire qu’un but pouvait tout changer. Il fallait rester positif, garder son calme. En tant qu’entraîneur, chaque style a ses avantages, mais il est crucial de rester cohérent, surtout dans une situation aussi tendue. Si tu changes d’attitude, tu risques de perdre le contrôle. Je leur ai dit qu’un seul but pouvait tout faire basculer. Et c’est ce qui s’est produit : en revenant à 3-2 grâce à Vladimir Šmicer (56e), la dynamique du match a changé. Gerrard inscrit un but de la tête (54e), puis Alonso égalise sur penalty (60e). L’euphorie s’est emparée du stade, et nous avons senti que tout était possible.

La maîtrise et le suspense final

Ce changement tactique a surpris l’AC Milan, qui s’est retrouvé face à une équipe de Liverpool confiante et équilibrée. Nous avons maintenu un rythme élevé jusqu’à la fin, en restant dangereux même après l’égalisation. En prolongation, Jerzy Dudek a réalisé deux arrêts miraculeux devant Shevchenko (117e), évitant un retournement de situation. La séance de tirs au but a alors débuté, et nous avions analysé les habitudes des tireurs milanais, ce qui nous a donné un avantage. Dudek connaissait leurs zones préférées, ce qui a fait toute la différence.

Match mythique entre Liverpool et l'AC Milan en 2005

Les célébrations et la magie de l’après-match

Après la victoire, la célébration a été indescriptible. Un de mes amis n’a pas pu rejoindre la délégation de Liverpool, j’ai dû sortir pour le chercher. Le responsable de la sécurité ne voulait pas me laisser entrer, ne me reconnaissant pas. Mon ami lui a dit : « Mais vous savez qui est cet homme ? C’est Dieu. » (Rires.) Quand il a compris, nous avons pu entrer et continuer la fête. Depuis ce jour, les fans de Liverpool me témoignent leur amour. J’ai remporté d’autres titres importants, mais cette finale reste la plus grande de ma carrière, tant par le contexte que par le scénario. Ce qu’on appelle le « miracle d’Istanbul » est un surnom justifié. Mais derrière cet exploit, il y a beaucoup d’efforts, de dévouement et de soutien populaire. Ce n’était pas qu’un simple match, c’était LE match, celui qui restera à jamais gravé dans l’histoire.

Les héros et l’avenir

Un des héros de cette finale, Xabi Alonso, aujourd’hui sur le banc du Real Madrid, semble prêt pour une belle carrière d’entraîneur. (Sourire.) C’était un joueur très intelligent, ayant appris auprès de grands entraîneurs comme Ancelotti, Mourinho ou Guardiola. Il a déjà pris de bonnes habitudes, et son potentiel est évident. Je crois qu’il a un avenir brillant devant lui, et je le vois capable de réussir au plus haut niveau. Quant à Luis Enrique, qui entraîne le PSG cette saison, je trouve qu’il fait un excellent travail. Son équipe est jeune, dévouée, avec un style de jeu offensif et pressant, capable de mettre l’adversaire en difficulté. La finale de la Ligue des Champions, le 31 mai à Munich, s’annonce passionnante, avec un PSG ambitieux face à une équipe solide, structurée, capable d’attaquer, de presser et de contre-attaquer efficacement.

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source:https://www.sofoot.com/articles/une-sensation-inoubliable-vingt-ans-apres-le-miracle-distanbul-raconte-par-rafael-benitez

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