En octobre 2007, au Millennium Stadium de Cardiff, lors du quart de finale de la Coupe du monde de rugby, une scène est restée gravée dans les mémoires des fans français : juste avant le Haka des All Blacks, Christophe Dominici, Serge Betsen et Sébastien Chabal s’étaient unis face aux Néo-Zélandais, incarnant la solidarité du XV de France. Pourtant, pour Sébastien Chabal lui-même, ce moment reste aujourd’hui une zone d’ombre.
Le témoignage troublant de Sébastien Chabal
Dans une interview accordée à la chaîne YouTube Legend, l’ancien troisième ligne du LOU, du Racing Metro et de Bourgoin-Jallieu, âgé de 47 ans, a avoué souffrir d’une amnésie totale concernant sa carrière sur le terrain. « Je n’ai aucun souvenir d’une seule seconde d’un match de rugby que j’ai joué », confie-t-il à l’animateur Guillaume Pley, évoquant les 62 sélections qu’il a portées sous le maillot tricolore.
Chabal ne mentionne pas explicitement le terme de commotion cérébrale mais fait le lien évident entre cette perte de mémoire et les nombreux chocs subis durant sa carrière. Il précise également ne pas avoir consulté de neurologue : « Pour quoi faire, la mémoire ne reviendra pas ». Il admet même ne plus avoir de souvenir de la naissance de sa fille.
Figure emblématique et médiatique du rugby des années 2000, Sébastien Chabal souligne enfin la prise de conscience progressive concernant la dangerosité de ce sport. « Il y a pas mal d’actions qui sont faites par d’anciens joueurs, des collectifs, parce qu’on a pris un peu des pètes au casque », affirme-t-il.
Les dangers du rugby et la réalité des commotions cérébrales
Le rugby est un sport intense, mêlant des contacts physiques violents souvent désignés par des termes typiques tels que bouchon, caramel, cartouche ou cathédrale. Derrière cette terminologie se cachent des impacts brutaux pouvant avoir des conséquences graves sur le cerveau des joueurs.
Patrice Péran, directeur de recherche à l’Inserm au laboratoire ToNIC, explique : « Le cerveau soumis à des chocs fonctionne un peu comme un flipper : des secousses ne provoquent rien, mais une plus violente peut entraîner un dysfonctionnement, la commotion. Ce dernier se manifeste par des symptômes tels que le KO, l’ataxie ou la confusion. »
À l’instar d’autres sports de contact comme le football américain ou le hockey sur glace, le rugby voit augmenter les cas de commotions cérébrales. Ces traumatismes, qu’ils touchent directement la tête ou résultent de chocs sur le corps, sont associés à des risques graves :
- Maladies neurodégénératives
- Démence précoce
- Perte de mémoire progressive
- Perte totale d’autonomie
Des drames récents qui alertent sur la sécurité des joueurs
Le 18 mars dernier, un joueur de 15 ans du RC Toulonnais est décédé trois jours après un arrêt cardiaque provoqué par un choc à la tête subi en Corse lors d’un match. En décembre 2018, Nicolas Chauvin, 18 ans, espoir du Stade français, est mort après un plaquage violent causant un traumatisme cervical, un arrêt cardiaque et une anoxie cérébrale.
Ces tragédies illustrent les dangers du rugby et sensibilisent davantage à la protection des joueurs, notamment les plus jeunes.
Études et contestations autour des commotions cérébrales dans le rugby
En 2016, une étude publiée par Science Direct a analysé deux saisons dans deux clubs français, recensant 43 cas de commotions cérébrales. Sur 134 matchs disputés, le taux d’incidence s’élevait à 0,31 commotion par match, soit une blessure tous les trois matchs environ.
Les troisièmes lignes (28 %) et premières lignes (26 %) apparaissent comme les postes les plus exposés. Ce constat incite à une réflexion approfondie sur les règles et la protection des joueurs.
Actions légales et reconnaissance des risques
Au Royaume-Uni, des centaines d’ex-rugbymen, dont le Gallois Alix Popham et l’Anglais Steve Thompson, champion du monde 2003, lancent une procédure judiciaire collective contre World Rugby ainsi que les fédérations anglaise et galloise. Ils dénoncent les effets dévastateurs des commotions, incluant une démence précoce.
En France, une vingtaine d’anciens joueurs ayant évolué entre 2003 et 2022 ont initié des démarches contre la Fédération française de rugby et la Ligue nationale. Leurs avocats estiment que les troubles neurologiques constatés chez leurs clients auraient pu être évités si les instances avaient respecté leurs obligations de sécurité, de prudence, de diligence et d’information.









