Kevin De Bruyne et les droits de découverte de la MLS

Peu de joueurs dans le monde bénéficient de la même renommée que Kevin De Bruyne. Milieu de terrain de Manchester City, il est à la fin d’une carrière internationale exceptionnelle qui l’a fait connaître sur la scène de la Premier League anglaise et au-delà. Depuis l’annonce de son départ de City à l’issue de cette saison, De Bruyne fait l’objet de nombreuses convoitises.

En Major League Soccer (MLS), l’Inter Miami de Lionel Messi est souvent cité comme un prétendant potentiel, comme c’est souvent le cas pour les stars mondiales arrivant vers la fin de leur carrière. Cette spéculation est devenue réalité cette semaine avec la révélation que Miami détient désormais les « droits de découverte » de Kevin De Bruyne.

Qu’est-ce que les droits de découverte dans la MLS ?

Ce terme est familier aux passionnés de MLS qui suivent attentivement la ligue et ses règles complexes : TAM, GAM, U22, GA, joueurs désignés, joueurs formés au club… autant d’acronymes qui traduisent les multiples mécanismes instaurés pour tenter de maintenir un équilibre entre les franchises les plus dépensières et les plus modestes.

Dans ce contexte, les droits de découverte semblent singulièrement absurdes. Ils permettent à une équipe de la MLS de « réserver » un joueur répondant à certains critères, y compris certaines des plus grandes stars mondiales comme De Bruyne. Pratiquement chaque grande vedette ayant évolué en MLS — Messi compris — a été concernée par ce système.

Ce dispositif est unique au sport mondial, il est donc utile d’en détailler précisément le fonctionnement.

Origines et fonctionnement des droits de découverte

Créée en 1996, la MLS avait à ses débuts une structure centralisée gérant tous les contrats des joueurs. Sunil Gulati, ancien président de la Fédération américaine de football, rappelle que les droits de découverte existaient depuis les débuts de la ligue. À l’époque, les clubs proposaient des joueurs souhaités à la ligue. « Il faut se rappeler que tout a été créé au fur et à mesure », explique Gulati, figure clé dans la construction de la MLS.

Le modèle « entité unique » de la MLS signifie que la ligue possède tous les contrats et toutes les équipes, avec des investisseurs gérant chaque franchise. Le travail de négociation est aujourd’hui délégué aux clubs, d’où la nécessité d’un cadre officiel comme les droits de découverte.

L’objectif de ce mécanisme est simple : permettre aux clubs des marchés moins importants de tenter de recruter des joueurs attractifs, tout en évitant que les franchises les plus riches ne s’engagent dans une guerre d’enchères qui gonflerait artificiellement les prix.

Fonctionnement détaillé

Au départ, chaque club pouvait inscrire 10 joueurs sur une « liste de découverte », aujourd’hui réduite à cinq noms. Ces listes sont tenues secrètes, de sorte que les clubs ne savent pas quels joueurs se trouvent sur celles des autres équipes.

Des règles strictes encadrent la composition de cette liste : seuls les joueurs sans contrat dans la ligue ou non soumis à d’autres mécanismes d’affectation peuvent être inscrits. Ne peuvent notamment figurer sur ces listes ni les joueurs mineurs, ni les agents libres, ni ceux déjà passés par la MLS et licenciés.

Plusieurs clubs peuvent inscrire le même joueur, mais celui qui dépose la demande en premier détient la priorité pour le signer. En cas d’inscription le même jour par deux équipes, c’est celle avec la plus faible moyenne de points par match lors de la saison en cours qui est prioritaire.

Pour recruter un joueur inscrit sur la liste d’un autre club, l’équipe intéressée doit proposer 46 000 euros (50 000 dollars) de fonds d’allocation. Le club détenteur a alors un délai de cinq jours (trois jours lors de la fenêtre de transferts secondaires) pour accepter l’offre ou faire une proposition jugée sérieuse.

Pour les joueurs désignés à forte valeur, dits « Designated Players », MLS vérifie que le club prétendant est financièrement capable de conclure le transfert et a la réelle intention de signer le joueur en cas d’accord.

Quelques cas emblématiques d’abus et de complications

Le système a parfois fait polémique. En 2016, lors des négociations entre D.C. United et le milieu Antonio Nocerino, Orlando City est intervenu pour lui offrir un salaire plus élevé alors qu’il figurait sur la liste de découverte de D.C. United. Ce conflit a bloqué la signature, jusqu’à ce que Orlando verse une somme importante de fonds d’allocation à D.C.

En 2023, l’ancien gardien d’Atlanta United Josh Cohen a dénoncé une offre jugée ridicule de la part du club, qui souhaitait le placer dans la filiale USL plutôt que dans l’équipe principale. Après un différend et une plainte auprès de la ligue, Cohen est resté une saison à Atlanta avant de partir.

Zlatan Ibrahimovic, qui a marqué les esprits lors de son passage de deux ans au LA Galaxy, aurait pu rejoindre le Philadelphia Union, car il figurait sur leur liste de découverte. Cependant, le club n’a jamais pu aligner l’offre financière nécessaire. De même, Didier Drogba avait choisi de jouer pour le Montreal Impact plutôt que le Chicago Fire, malgré la détention préalable de ses droits par ce dernier, qui a reçu environ 92 000 euros en fonds d’allocation en compensation.

Plus récemment, le LA Galaxy a versé environ 369 000 euros au FC Charlotte pour obtenir les droits de découverte de Marco Reus, ancien attaquant du Borussia Dortmund.

Le cas Kevin De Bruyne : une opportunité unique pour Inter Miami

Le cas de Kevin De Bruyne est cependant différent. Même si Charlotte aurait pu s’offrir Marco Reus, Miami semble être l’un des très rares clubs (voire le seul) capables de convaincre le milieu belge de rejoindre la MLS, en raison de ses moyens financiers.

La détention des droits de découverte par Inter Miami confirme son ambition de continuer à attirer de grandes stars internationales et souligne une fois encore l’importance et l’étrangeté des mécanismes propres à la MLS pour réguler le marché des transferts.