La perspective de dissoudre plusieurs groupes ultras en France, notamment ceux de l’AS Saint-Étienne, suscite une vive polémique dans le milieu du football. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a mis en œuvre une procédure contre des associations réputées, ce qui provoque incompréhension et inquiétudes parmi les supporters et acteurs du football national.
Un projet de dissolution contesté au cœur des tribunes stéphanoises
Dans le sillage d’incidents violents reprochés à certains groupes ultras, le ministère de l’Intérieur veut dissoudre plusieurs associations de supporters. Parmi elles, les Magic Fans et les Green Angels, piliers historiques des tribunes de l’AS Saint-Étienne, fondés en 1991 et 1992. Ces deux groupes sont aussi les instigateurs d’un appel à manifestation le 29 mars, renforçant leur message « Le Chaudron ne se dissout pas. »
Initialement neuf groupes étaient visés, mais la procédure ne concerne désormais que cinq associations : les Offenders (Strasbourg), la Légion X (Paris FC), la Brigade Loire (Nantes) et les deux stéphanois. Les Magic Fans et les Green Angels ont reçu un courrier officiel dénonçant une « recherche constante de confrontations physiques » au sein de leurs membres, notamment lors de la relégation de l’ASSE en Ligue 2 en mai 2022.
Réactions et contestations au sein du mouvement supporter
Jean-Guy Riou, président de l’USS, autre groupe de supporters de Saint-Étienne, critique fermement cette décision : « Les Magic Fans et les Green Angels sont les poumons du stade. Sans eux, ce ne serait plus le Chaudron mais une casserole percée. » Il souligne par ailleurs que les faits reprochés datent de trois ans et que les intéressés ont déjà été jugés, rendant la dissolution incohérente et injustifiée.
L’appel national lancé par l’Association nationale des supporters (ANS), qui fédère 163 associations, vise à contrer cette mesure administrative perçue comme une menace envers les bénévoles qui animent les tribunes et collaborent à la sécurité. En signe de protestation, l’ANS a interrompu tout dialogue avec les autorités de lutte contre le hooliganisme, aggravant la fracture entre supporters et instances gouvernementales.
Les enjeux politiques et sociaux derrière la dissolution
La controverse dépasse largement le cadre sportif. Politiquement, la démarche du ministre Bruno Retailleau rencontre l’opposition d’élus et figures publiques, parmi lesquels Laurent Wauquiez et Sacha Houlié, ce dernier dénonçant une instrumentalisation politique des ultras à des fins de popularité.
Le débat met également en lumière la distinction entre hooligans et ultras, souvent confondus. Pour Jérôme Latta, coauteur de plusieurs analyses sur la culture supporter, les ultras sont plutôt des militants passionnés qui soutiennent leur équipe via des rituels et spectacles dans les stades, tandis que les hooligans sont principalement associés à la violence organisée. Cette différence fondamentale est parfois occultée dans le discours officiel.
Des groupes ultras aux engagements locaux parfois méconnus
Au-delà du simple rôle de supporter, certains groupes jouent un rôle social important. Les Green Angels, par exemple, organisent des collectes de fournitures scolaires et d’aliments en collaboration avec des associations caritatives, démontrant un engagement citoyen souvent ignoré dans les débats publics.
La dissolution pourrait donc non seulement déstabiliser la dynamique des tribunes mais aussi affaiblir des initiatives locales de solidarité. Jean-Guy Riou redoute que l’absence de leadership dans les kopps laisse la place à des factions plus extrémistes ou problématiques.
Un avenir incertain pour les ultras français
Le processus suit encore une phase consultative, avec la Commission nationale consultative de prévention des violences sportives prévue pour début avril. La décision finale, sous forme de décret, pourra être contestée devant le Conseil d’État et éventuellement la Cour européenne des droits de l’Homme.
Le risque évoqué par les spécialistes est que ce type de dissolution entraine une dérive arbitraire dans la répression des groupes de supporters, souvent perçus comme un contre-pouvoir face à la commercialisation du football professionnel. Certains craignent que ces mesures contribuent à délaisser un public populaire au profit d’un modèle plus consumériste, au détriment de l’ambiance et de la culture dans les stades français.










