Le football féminin suisse connaît une phase dynamique marquée par une croissance rapide et des perspectives encore incertaines. À l’approche de l’Euro 2025, qui se déroulera en Suisse du 2 au 27 juillet, le développement du football féminin national soulève de nombreuses questions autour de la professionnalisation, de l’attractivité économique et de l’organisation structurelle.
Un élan favorable mais un modèle économique fragile
Le football féminin suscite un engouement grandissant : les ligues se développent, les clubs s’orientent vers la professionnalisation et certaines joueuses peuvent désormais envisager de vivre de leur passion. L’Euro 2025, organisé sur le sol helvétique, pourrait provoquer un véritable élan en faveur de cette discipline, avec une augmentation attendue des inscriptions dans les clubs et une fréquentation accrue lors des matchs. Toutefois, le financement et la viabilité économique restent des défis majeurs.
Les revenus liés aux droits de diffusion télévisée, qui représentent une part importante des recettes dans le football masculin, restent marginales dans le football féminin. Selon un rapport de la FIFA publié en mars, seulement 9 % des revenus opérationnels dans les meilleures ligues féminines mondiales proviennent de la diffusion, et cette part plonge à 2 % dans les ligues de niveau inférieur. La Suisse, bien que non spécifiquement détaillée dans ce benchmark, ne peut rivaliser avec les grands championnats espagnols ou anglais.
La visibilité médiatique, un coût pour les clubs
Cette situation est particulièrement illustrée par le cas du club Yverdon Sport Féminin, prêt à revenir dans l’élite. Linda Vialatte, responsable de la section féminine depuis plus de 20 ans, confie que le club paie environ 1 900 € par an pour que la chaîne suisse SSR filme leurs matchs. La Super League, sans générer de recettes directes, offre de la visibilité que les clubs exploitent auprès de leurs sponsors. Cependant, de nombreux matchs se déroulent sur des terrains secondaires ou dans des stades peu adaptés aux retransmissions télévisées, ce qui nuit à la qualité de l’image et à l’attraction pour le public.
Le match opposant Young Boys et Grasshopper Zurich, le 22 mars, a toutefois rassemblé plus de 10 000 spectateurs au Wankdorf, soulignant la capacité du football féminin à mobiliser un public conséquent dans des circonstances favorables.
Une structure fédérale à repenser
Un autre obstacle au développement optimal réside dans l’absence d’une ligue dédiée au football féminin en Suisse. Contrairement à la Super League masculine, indépendante de l’Association suisse de football (ASF), le championnat féminin est toujours géré directement par cette dernière. Cette configuration limite la capacité des clubs à mener une stratégie collective claire et à défendre leurs intérêts communs face aux enjeux financiers et organisationnels.
Un sport accessible mais encore peu rémunérateur
Le football féminin séduit par son image plus ouverte et familiale, attirant certains investisseurs désireux de soutenir un sport moins dominé par les enjeux financiers que le football masculin. Pourtant, cette situation se traduit aussi par des salaires beaucoup plus faibles pour les joueuses, qui doivent souvent combiner leur carrière sportive avec leurs études ou un emploi à temps partiel.
La plupart des footballeuses suisses de la Super League doivent adopter ce double emploi, faute d’une rémunération suffisante. L’exode vers des championnats étrangers plus développés et mieux rémunérés, comme l’Angleterre ou l’Espagne, concerne plusieurs joueuses helvétiques de renom telles que Lia Wälti à Arsenal ou Sydney Schertenleib au FC Barcelone.
Une étude FIFA révèle que les clubs féminins des ligues les plus professionnelles génèrent en moyenne environ 1,4 million d’euros par an, tandis que leurs coûts opérationnels s’élèvent à près de 2,1 millions d’euros. Les salaires moyens des joueuses en première division sont estimés à environ 21 900 € annuels, un montant qui ralentit la capacité des clubs à investir dans les infrastructures, la formation ou l’engagement des fans.
Les défis d’une croissance durable
Les acteurs du football féminin suisse cherchent à tracer une voie équilibrée entre professionnalisation et préservation d’un modèle accessible et vertueux. La création d’infrastructures adaptées et le soutien accru aux clubs de jeunes font partie des objectifs du programme héritage de l’Euro 2025.
Ernst Graf, représentant le football féminin au conseil d’administration de Young Boys, souligne que l’enthousiasme du public et la volonté croissante des entreprises de s’investir dans la filière sont encourageants, mais qu’il faut du temps pour installer durablement cette discipline dans les habitudes des supporters.
Initiatives locales pour attirer les spectateurs
Pour favoriser l’affluence, certains clubs organisent des opérations originales, comme les double-événements où les équipes masculines et féminines jouent le même jour dans le même stade, à quelques heures d’intervalle. Young Boys a ainsi réussi à réunir plus de 10 600 supporters lors de son match contre Grasshopper Zurich au Wankdorf, en mars dernier.
Cependant, des facteurs comme la météo ou l’intensité de la programmation limitent la fréquence de telles initiatives.











