Le député Pierrick Courbon a lancé une alerte forte contre le projet gouvernemental visant la dissolution de plusieurs groupes de supporters ultras en France, dont deux à Saint-Étienne. Ce texte, signé par 61 parlementaires de toutes tendances politiques, dénonce une mesure jugée plus problématique qu’efficace en matière de sécurité dans les stades. Interrogé par franceinfo, le député socialiste de la Loire détaille les raisons de son opposition et appelle au dialogue plutôt qu’à la répression collective.
Une tribune signée par 61 parlementaires contre la dissolution des groupes de supporters
Vendredi 21 mars, une tribune publiée dans Le Monde a rassemblé 61 députés, parmi lesquels Olivier Faure (PS), François Ruffin (écologiste et social), Alexis Corbière (écologiste et social) et Sylvie Bonnet (Les Républicains), pour s’opposer au projet du ministère de l’Intérieur qui vise à dissoudre plusieurs associations de supporters ultras, notamment à Saint-Étienne.
Initiateur de cette tribune, Pierrick Courbon, député PS de la Loire, explique avoir été alerté par des associations de supporters et avoir intégré leurs revendications ainsi que celles du club de Saint-Étienne et des instances nationales du supportérisme. Selon lui, la dissolution des groupes risque d’accroître les tensions au lieu d’assurer une meilleure sécurité.
Une opposition fondée sur le vécu et le dialogue
Supporter de Saint-Étienne depuis l’enfance, Pierrick Courbon connaît bien le monde des tribunes. Il rappelle avoir fréquenté régulièrement le stade Geoffroy-Guichard et participé à de nombreux déplacements, ce qui lui a permis de comprendre les enjeux liés à la sécurité, à l’organisation et à la gestion des conflits en tribunes.
Il déplore également l’instrumentalisation des supporters dans la communication commerciale de la Ligue 1, suivie d’une répression excessive à leur encontre. Il affirme : « La dissolution est une mauvaise réponse au véritable enjeu qui est de garantir la sécurité dans et autour des stades. Dissoudre les associations de supporters risque d’apporter beaucoup plus de problèmes que de solutions. »
Un consensus rare face à un projet controversé
La mobilisation de 61 députés de bords politiques divers est qualifiée d’« historique » par Pierrick Courbon, qui insiste sur la gravité de la menace pesant sur les associations de supporters. Selon lui, au-delà de Saint-Étienne, d’autres groupes pourraient aussi être concernés prochainement. Cette solidarité nationale montre que le football est un terrain où rivalité et tension cohabitent avec un fort esprit communautaire.
Plusieurs anciens ministres des Sports ont également pris position contre la dissolution, estimant que cela ne contribue pas à la sécurité et au maintien de l’ordre. Des policiers consultés par Pierrick Courbon partagent cette analyse, arguant qu’en perdant les associations organisées, le terrain serait laissé à des éléments violents incontrôlés.
Le député critique par ailleurs la politique du ministre de l’Intérieur, dénonçant un « agenda politique personnel » et une forme d’entêtement qui va à l’encontre de l’intérêt public.
Une méconnaissance du monde ultra dénoncée
Pierrick Courbon pointe une confusion malheureuse entre ultras et hooliganisme. Il rappelle que la majorité des ultras ne revendiquent pas ce dernier et que les dossiers juridiques sur lesquels s’appuient les dissolutions sont faibles.
Il qualifie l’attitude du ministère d’« effet d’annonce » peu efficace, favorisant une posture de fermeté plutôt qu’une compréhension des réalités du terrain. Selon lui, cette politique peut même favoriser les troubles en excluant les associations organisées qui participent au dialogue.
Des ultras engagés au-delà du football
Défendant une image souvent caricaturée, le député invite à voir les associations de supporters comme des groupes engagés socialement, impliqués dans des actions solidaires telles que le soutien à la Ligue contre le cancer ou des banques alimentaires. Il souligne leur rôle essentiel dans la vie locale et la transmission d’une passion vive à Saint-Étienne et ailleurs.
Si des incidents récents à Paris et Montpellier sont évoqués, Pierrick Courbon rappelle qu’il faut garantir la sécurité tout en évitant des mesures excessives qui mettent en péril un environnement souvent pacifique.
Sanction collective vs. individualisation des responsabilités
Le député insiste sur l’importance du cadre légal français, déjà complet, et dénonce une dérive autoritaire dans la sanction collective des associations pour les fautes de certains membres. Il met en garde contre un précédent dangereux, susceptible d’impacter d’autres types d’associations dans la société française.
Vers un modèle européen inspirant
Interrogé sur la capacité des autres pays européens à gérer les supporters, Pierrick Courbon plaide pour l’intelligence collective et un renforcement du dialogue entre représentants des supporters, clubs et forces de l’ordre.
Il appelle à la tenue de nouvelles assises du supportérisme pour élaborer des solutions plus efficaces et équilibrées. Il regrette que certains groupes à Saint-Étienne soient ciblés tandis que des groupuscules violents ne le soient pas, ce qui selon lui nuit à la cohérence de la politique sécuritaire.
Un appel au dialogue et à la retenue politique
Enfin, le député met en garde contre une instrumentalisation du sujet à des fins politiques personnelles, déplorant que la sécurité publique ne soit pas au cœur des priorités ministérielles sur ce dossier sensible.
« Il ne faut pas faire porter aux supporters la responsabilité de tous les maux de notre football, de notre société », conclut-il, plaidant pour un traitement juste et respectueux des passionnés de football.











